Dokument-Nr. 1504

Fürstenberg, Freiherr von: [Kein Betreff], 28. April 1920

Monseigneur,
Que Votre Excellence me permette gracieusement suivant notre entretien de Lui expliquer ce qui suit:
Les catholiques de l'Allemagne se trouvent actuellement dans une situation extrêmement dangereuse et par malheur ils n'ont nullement conscience du danger imminent; parce que leurs occupations étant absorbées par des questions matérielles, une certaine négligence, et un certain laisser-aller se sont infiltrés là, où il ne peut y avoir que la défense inflexible à outrance. La révolution se démontre extérieurement comme un fait de nature économique, dans lequel le soin des âmes peut s'exécuter avec une impartialité parfaite en laissant de côté les divergences des intérêts personnels. C'est en partant de ce point de vue que le parti du Centre s'est hasardé à une politique, qui se détache de l'influence de l'église sur ses fidèles. Le parti du Centre a atteint le contraire de ce que il a voulu atteindre, forcément il s'est séparé lui-même tout aussi bien que sa suite de ses principes, de ses anciens fondements morals, qui seuls lui avaient donné dans le temps sa raison d'être. Car la révolution pertinemment économique a éveillé dans les âmes et surtout dans les cœurs de ceux qui ne possèdent pas les biens de ce monde le désir urgent d'acquérir, d'atteindre le bien-être dans une forme qu'ils nomment la justice économique. Par conséquent une opposition ouverte de la part du Centre contre les forces dirigeants de la révolution, lui apparût dangereuse, parce que cette opposition pouvait laisser entrevoir certains détachements de l'église.
Celui qui ne voit que la surface de la révolution doit forcément s'attendre à des déceptions funestes, car en réalité cette révolution n'est pas purement et exclusivement de nature économique. Je prétends qu'il ne peut y avoir une révolution ayant exclusivement et uniquement des causes matérielles-économiques. La conception des matières économiques, la conception des questions de travailler, d'acquérir ne peut pas se baser uniquement, ni ne peut être orientée exclusivement par la production économique en elle, car c'est la conception et de même
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la direction de la volonté dans les questions matérielles et divines qui décident les actions humaines. Telle est la situation actuelle en Allemagne. Les dirigeants de la politique des Catholiques en Allemagne ne se tiennent en partie nullement maîtres de ces conceptions des âmes et de ces raisons morales. Ils ne cessent de voir que l'opportunité du moment pour le maniement économique de l'appareil du Centre.
Voilà la cause que je crois concevoir pour la façon de la politique du Centre allemand, parce que depuis bien du temps il n'a pas pu se rendre compte que les raisons économiques de la révolution et des changements sociaux ne forment que la face extérieure, que cette face extérieurement visible n'a été produite que par une décomposition spirituelle et mentale, combinée par les forces hostiles à l'église, forces ayant des dimensions gigantiques [sic]. Aujourd'hui ces forces ennemies sont appelées Bolchevisme. L'Allemagne court un danger bolcheviste interne et externe. Tous les deux s'entraident l'un l'autre, tous les deux sont élevés et éduqués dans les idées du programme de Erfurt, ils ont tous les deux leur même centre spirituel qui donne ses ordres d'exécution, c'est ça la troisième Internationale de Moscou. Voilà les forces gigantiques qui tiennent à se procurer la force de l'état pour se faire maître de l'état, pour se servir des moyens de l'état, afin de sapper les forces morales et de les remplacer par les forces immorales de ce monde. Le gouvernement allemand continue de Berlin pas à pas le chemin de la démoralisation de la population entière. Il se sert pour obtenir ce but du satanique moyen de la dissolution de toute forme d'autorité et en sappant et en abîmant tous les éléments fonciers. La politique du Centre, celle du compromis et du tâtonnement a eu comme résultat non d'enrayer le mouvement de ces forces hostiles à l'église mais de voiler au public leur but et leurs tendances, d'ensommeiller par conséquent la grande partie de la population catholique de l'Allemagne.
Le grand danger pour l'Allemagne est la centralisation à l'extrême du pouvoir à Berlin, car cette Berlin est le centre de la troisième Internationale de l'Europe. La plus grande force des catholiques allemands jusqu'au présent était la forme fédéraliste de l'empire qui réservait à chaque état ses propres pouvoirs. C'est le Centre sous l'égide du ministre
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Erzberger, qui a abîmé la forme fédéraliste des états formants l'Allemagne, parce qu'il a déféré au gouvernement central de Berlin tous les soins des devoirs culturel de l'état et de la société. Cette force a été déférée au gouvernement par les articles 146-152 du nouveau code. Elle sera toujours forcement antichrétienne, l'ennemi acharné de l'Église. Des grandes parties de l'Allemagne catholiques se sont déjà amèrement plaintes des exigences du nouveau code. En Bavière le ministre Hoffmann en réalisant ses idées socialistes et en se basant sur ces actes de Berlin a pu déjà détruire tous les anciens fondements de l'éducation chrétienne. Heureusement en Bavière s'est faite une opposition contre cette marche des choses qui avait violé plusieurs des anciens états confédérés. Elle a pu transformer le cabinet, elle a pu lui donner le caractère chrétien conservatoire. C'est pour cela que cette politique destructive a pu être enrayée pour le moment en Bavière.
Je constate malgré toutes les déceptions un fait heureux, c'est que la population chrétienne commence peu à peu à comprendre le danger. Cette compréhension s'exprime dans la dissolution de l'ancien parti du Centre. Je constate le fait heureux que la dissolution de l'ancien Centre ne renforce pas les partis hostiles au Christianisme. Car sur ces débris se forment des partis politiques chrétiens dans les différents pays qui considèrent comme base de toute reconstruction de l'Allemagne l'idée de défendre l'autonomie de leurs pays. On doit espérer que ce fédéralisme chrétien s'unira dans un grand parti catholique pour toute l'Allemagne; il doit forcément comprendre dans cette union tous les éléments positivement chrétiens. Car la Sainte Église comprend tous les chrétiens de l'univers, tant qu'ils ne se séparent pas d'elle volontairement, par conséquent elle comprendra en Allemagne tous ceux qui expriment la volonté de vivre en chrétien. Anima humana naturaliter christiana, par conséquent l'idée chrétienne qui nous unit en Allemagne doit guider notre politique. C'est ainsi que l'influence du Saint Siège en Allemagne augmentera, que l'influence du Saint Siège en Allemagne sera la force décisive, car il se démontre la nécessité reconnue, le besoin urgent pour tous les chrétiens de l'Allemagne d'un appui moral qui ne peut être autre que le Rocher de Saint Pierre – mais nous faisons erreur en supposant que tous les dangers soient exclus par la transformation du Centre, car les forces sont assi-
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duement au travail, les forces qui décomposent toute moralité de l'état, ainsi que la vie morale de la population. Ces forces gigantesque trouvent leurs partisans, leurs aides, leurs secours au-delà des frontières de l'Allemagne, à l'est et à l'ouest. A l'est de l'Allemagne imine le grand danger de l'expansion prolétaire, de l'impérialisme de Lenin. À l'ouest les tendances de la politique française restent incompréhensibles. Car la politique française de crainte balance entre sa peur du Bolchevisme, sa peur du militarisme, sa peur de la revanche allemande. La France s'imagine pouvoir détruire en Allemagne le soi-disant militarisme par le socialisme, car elle ne réussit pas encore à comprendre que ce socialisme chéri lui a porté déjà à présent le bolchevisme jusqu'aux bords du Rhin et au-delà. Cette malheureuse politique française ne peut aboutir qu'à un chaos en Allemagne, qui doit faire naître des armées rouges de l'Allemagne, qui doivent suivre les hordes rouges de la Russie. Que Dieu veuille de grâce nous en préserver, car si elles allaient se former, elles effaceraient la culture européenne-chrétienne, elles anéantiraient la France. Car toute idée de revanche contre la France n'est réalisable que par le militarisme du drapeau rouge. Dans ce sens il n'existe pas une question allemande, une question française, il existe exclusivement, uniquement la question européenne.
Si la France veut faire de la politique européenne sans négliger sa politique nationale, elle doit chercher son appui et je suis sûr qu'elle le trouvera chez les partis de la population essentiellement chrétiens dans les villes et dans les campagnes de l'Allemagne. Je me permets de rappeler une vérité connue universellement, c'est la suivante: les classes de la population qui possèdent des petites fortunes foncières forment le fondement de tout état quel qu'il soit, si cet état veut faire une politique paisible. Une population pauvre et misérable ne disposant pas des biens de cette terre n'a rien à perdre. Cette population verra son profit en faisant la politique révolutionnaire et guerrière. La plutocratie a les mêmes espérances, elle aussi saura tirer le plus de profit d'une politique révolutionnaire et belliqueuse. Bolchevisme et capitalisme s'entraident l'un l'autre et si Lenin continue dans son développement actuel, la Russie va être le champ le plus heureux pour la plutocratie.
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La conséquence de la situation politique actuelle me paraît être que l'Angleterre pouvait être prête à livrer au capitalisme soit au Bolchevisme l'Europe continentale. Par ce fait des ambitions politiques bien peu agréables pourraient être étouffées; malgré qu'il y aurait pour un certain laps de temps la perte d'intérêt de revenus assez peu agréables on aurait créé par le Bolchevisme une colonie d'esclaves serviles par lesquels on obtiendrait bien plus que les revenus perdus.
La France doit reconnaître ces points de vue, elle ne peut se soustraire à ces possibilités. Par conséquent la France est forcée d'orienter sa politique avec l'Allemagne qui seule peut et doit lui donner ses garanties nationales et internationales.
Mais la situation actuelle et les tendances mentales du gouvernement actuel allemand ne sont pas de façon à pouvoir s'orienter vers une défense commune contre les dangers communs provenant de l'est. Car ce gouvernement est tout aussi hostile à l'Église que le Bolchevisme. Par conséquent certains représentants de la politique bavaroise ont essayé de rentrer en relations suivies avec la France. Les Bavarois défendent les points de vue suivants:
Le gouvernement français doit faire et suivre une politique active continentale; cette politique doit se baser sur le niveau des intérêts communs entre l'Allemagne fédéraliste et non bolcheviste et la France.
Le gouvernement français doit exécuter la révision du traité de Versailles.
La Bavière reconnaît que cette politique française de l'entente se base sur la défense commune vers l'est, qu'elle dédit à l'idée de la revanche, vu que cette idée malheureuse ne peut qu'entrainer à la victoire du bolchevisme.
La Bavière demande que le trou de l'ouest soit fermé au plus tôt parce qu'il est la plaie ouverte du corps allemand.
La France protégera les désirs d'une république rhénane comprenant les deux bords du Rhin, république fédéraliste allemande.
La France quitte la politique tracée par Clémenceau concernant les pays austro-allemands.
La Bavière ne demande pas que les pays austro-allemands soient englobés dans la Bavière, mais elle doit demander que ces pays soient unis avec elle par des traités de nature confédéralistes.
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Je me permets d'ajouter à raison des pays austro-allemands: De jour en jour les difficultés d'une régénération sortant d'eux-mêmes augmentent, j'entrevois que l'ordre dans ces pays allemands ne pourrait être établi un jour, que par un mandat incombant à la Bavière.
Ces points de vue politiques de la Bavière sont compris en France par un petit nombre d'hommes de lettre, non sans influence; on a même donné la preuve qu'on veut suivre cette politique. Des difficultés pour cette suite consécutive sont encore assez grandes, elles tiennent à la conception erronée de la diplomatie du Quai d'Orsay et à une fausse opinion publique en France, propagée par la presse faisant foi. Car les personnes qui jusqu'à présent décidaient les dispositions du Quai d'Orsay et les directives de la presse française ont été données par la plutocratie internationale qui ne désire que la domination du Bolchevisme dans tout l'Europe pour acquérir son impérialisme chaleureusement désiré, basé sur des fondements exclusivement matériels. Ce sont ces clans matérialistes plutocrates qui viennent de faire croire au gouvernement français que l'idée de la revanche allemande (un phantôme bien entendu) pourrait être anéantie en soutenant une politique anti-militariste des partis socialistes en supposant qu'avec leur aide on pourrait arriver à un désarmement complet de l'Allemagne. C'est le contraire auquel cette politique doit aboutir, car vu cette situation politique en Allemagne certaines parties de la population ont été forcées de former des gardes policières libres, composées de tous les éléments positifs afin de maintenir le drapeau blanc contre la rapacité du drapeau rouge. Ces gardes policières libres dont l'entente vient de demander la dissolution à Berlin forment la dernière barrière, le dernier rempart contre le bolchevisme interne de l'Allemagne. C'est méconnaître de fond en comble la situation que de demander la dissolution de cette police nécessaire d'urgence au pays allemand.
Mais l'expérience des uns n'a jamais encore servi aux autres. Les mêmes classes plutocrates ont dans le temps donné les mêmes idées au gouvernement allemand dans ses dispositions vers le Bolchevikis russes.
C'est là que je demande de grâce le précieux secours du Saint Siège, en voulant bien diriger et soutenir la France dans l'ordre d'idées précité, afin que des idées chrétiennes puissent être sauvées à l'Europe, que les forces morales se maintiennent non seulement, mais abattent
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les forces immorales. Dans cet ordre d'idées la France a fait comprendre aux places bavaroises que pour pouvoir suivre cette politique il fallait soutenir l'opinion publique dans ce sens. Je regrette que les organisations catholiques et la presse catholique ne soient pas encore introduits dans l'ordre d'idées de cette politique, car ils ne comprennent pas encore que l'idée de la revanche militaire du drapeau rouge ne peut être neutralisée que par les intérêts communs de tous les peuples qui possèdent les idées chrétiennes. Je supplie par conséquent le Saint Siège qui a lei seul possédé l'intégrité des biens chrétiens, d'influencer dans ce sens les idées politiques catholiques françaises. Il me semble utile que cette influence de l'opinion publique se fasse non avec un caractère exclusivement religieux qu'au contraire l'attention publique soit attirée sur des exigences politiques, en évitant le but religieux et culturel.
Une entente entre la France et l'Allemagne sous ces conditions pourrait enrayer le Bolchevisme et nous assurer à nous et à nos enfants les biens du christianisme.
Agréez Monseigneur l'expression de mon profond respect
Fhr. v. Fürstenberg
Empfohlene Zitierweise
Fürstenberg, Freiherr von, [Kein Betreff] vom 28. April 1920, Anlage, in: 'Kritische Online-Edition der Nuntiaturberichte Eugenio Pacellis (1917-1929)', Dokument Nr. 1504, URL: www.pacelli-edition.de/Dokument/1504. Letzter Zugriff am: 19.04.2024.
Online seit 20.12.2011, letzte Änderung am 25.03.2013.