Dokument-Nr. 2847
Sebastian, Ludwig an Benedikt XV.
Speyer, 18. August 1919

Très Saint- P ère,
Louis Sébastian, Evêque de Spire, humblement prosterné aux pieds de sa Sainteté, la prie de vouloir bien lui permettre de lui exposer ce qui suit au sujet du nouvel état appelé " T erritoire du Bassin de la Sarre" :
Le diocèse de Spire, comprenant actuellement le territoire du Palatinat Rhénan, a été érigé par le concordat du 5 Juillet 1817, entre le Saint-Siège et le Roi de Bavière, et délimité par le bulle "Dei ac Domini N ostri" du 1er Avril 1818 ; il comprend les portions des anciens diocèses de Spire, de Mayence, de Trèves, de Strasbourg, de Metz et de Worms, qui depuis 1816, étaient rattachés au Palatinat Rhénan.
8r

La forme actuelle du diocèse de Spire a donc une durée de cent ans.
Aujourd'hui, le traité de Versailles constitue peut-être une menace de diminution de ce diocèse qui compte environ 414.955 catholiques et 506.651 non-catholiques.
(Ci-joint un exemplaire du traité de Versailles et une carte du diocèse de Spire, permettant de se faire une idée de la "Diaspora" du diocèse).
D'après ce traité (Section IV), il sera crée un état appelé "Territoire du Bassin de la Sarre", qui enlèvera au diocèse de Trèves 504.888 catholiques, à celui de Spire environ 26 paroisses, avec 55.442 catholiques.
Ce territoire n'est pas pour le moment encore définitivement érigé, mais on peut admettre qu'il le sera vers le mois d'Octobre prochain. Je ne connais pas non plus officiellement encore comment il sera organisé au point de vue ecclésiastique.
Pourtant, un prêtre qui se dit "Aumônier militaire de la Sarre", est venu me trouver vraisemblablement au nom du Général Andlauer, Gouverneur militaire de Saarbrück, pour m'interviewer au sujet de la question – au moins théorique – de l'organisation ecclésiastique de ce territoire.
9r

Deux éventualités ont été envisagées: soit la création d'un diocèse nouveau comprenant tout le territoire, avec résidence épiscopale à Sarrelouis, soit le statu quo des deux diocèses (Spire et Trèves) avec constitution d'un vicariat Général (avec caractère épiscopal ou évêque auxiliaire) pour chacun d'eux. Dans ce dernier cas, il serait nécessaire de créer un intermédiaire entre les curies des deux évêchés et le gouvernement international auquel ressortira le territoire de la Sarre.
Avant toute discussion, j'ai déclaré au dit aumônier, que cette question de l'organisation ecclésiastique est "res papalis", c'est-à-dire qu'elle ressort totalement au Saint-Siège.
L'aumônier était de cet avis, mais ajouta cependant que le temps était venu de prendre des dispositions préliminaires, soit en vue de l'érection d'un diocèse nouveau, soit en vue de la création de deux vicariats généraux, comme cela s'est fait à Lugano (canton du Tessin), ou au Voralberg qui forme une partie du diocèse de Brixen (Tyrol), ou encore pour la partie autrichienne du diocèse de Breslau.
À la suite de cet interview, qui va sans doute être suivi d'autres encore, je me permets, Très Saint-Père, de vous exposer très respectueusement, les difficultés qui accompagnent la réalisation de ce double projet:
10r

1°. – Il est très à désirer, je dirai même nécessaire que la tranquillité et le calme succèdent au tourment de la révolution et que les innovations et les nouveautés dans le domaine spirituel soient épargnés au peuple allemand si éprouvé par la guerre et les diverses catastrophes politiques.
C'est pourquoi, mon désir ainsi que celui de mon chapitre et de mon peuple est que le statu quo soit maintenu.
C'est également le vœu du vénérable Evêque de Trèves, avec qui j'ai conféré récemment; c'est aussi le désir de son clergé et celui de son peuple.
2°. – Si le diocèse de Spire était diminué, il perdrait 26 paroisses qui constituent un revenu très considérables pour les fabriques ecclésiastiques. Ceci est d'une très grande importance surtout devant la menace éventuelle de la séparation de l'Eglise et de l'État. Dans ce cas les frais de culte (Kirchensteuer) seraient totalement à la charge d'un tout petit nombre de fidèles, car un grand nombre se refuseraient à les payer, soit par manque de ressources, soit par irréligion ou indifférence.
Le dommage ainsi causé aux âmes serait extrêmement considérable, car il pourrait se produire des cas d'apostasis en vu d'éviter la contribution cultuelle (Kirchensteuer).
11r

3°. – Il est à remarquer que les 26 paroisses que perdrait le diocèse dans le cas de cession territoriale, sont les plus fortunés et possèdent de nombreuses fondations, tandis que plus de 150 paroisses ou annexes, surtout celles qui se trouvent dans la partie mixte ("diaspora"), se trouvent sans ressources, et exigent des millions comme frais d'entretien des églises, des curés, des communautés religieuses, des fabriques, œuvres de jeunesse, etc. –
En outre, un certain nombre de ces 26 paroisses constituent des postes faciles et de tout repos, généralement recherchés par des prêtres âgés, malades ou convalescents.
4°. – Le Couvent des capucins de Saint-Ingbert, fondé par le clergé diocésain dans le but de recruter un clergé auxiliaire (prédicateurs, de retraite, missionnaires, etc.) est le seul couvent important qui possède le diocèse; de plus, ce couvent coûte au diocèse, comme entretien, la somme de 4.000 Mark par an. Du fait de la séparation d'avec le diocèse, le couvent serait privé de cette somme nécessaire à son existence matérielle.
5°. – Il existe également à St-Ingbert un couvent important de religieuses enseignantes dont la maison-mère est à Spire. Cette dernière n'a d'autres ressources matérielles que celles qui proviennent du couvent St-Ingbert.
12r

Un certain nombre de filiales d'autres congrégations seraient également séparées de leur maisons-mères.
6°. – Mais où prendrait-on les fonds nécessaires pour la création d'un nouveau diocèse? et le gouvernement international voudra-t-il ou pourra-t-il y contribuer?
Reste donc le clergé et les fidèles allemands. Mais il est notoire que la nation allemande perdra la plus grande partie de sa fortune nationale.
Or, pour l'organisation d'un nouveau diocèse, il faudrait:
Un évêché – un chapitre –un ou deux vicaires généraux, etc., un grand et un petit séminaire, etc., et cette création nécessiterait au minimum, la somme de 2 à 3 millions, à payer en une fois. Une somme pareille serait nécessaire comme budget annuel (frais de la curie, compléments des "congrua", pour les curés, vicaires, les professeurs de séminaires, etc.).
7°. – Si le status quo du diocèse de Spire est maintenu, on peut admettre que le gouvernement de Bavière continuera à s'acquitter des charges que lui a imposés le concordat de 1817.
Après ces considérations, l'évêque de Spire s'adresse humblement au Saint-Père en le priant de vouloir donner, dans sa sagesse, avis et décision, en ce qui concerne la question qui fait l'objet de cette lettre:
La décision que prendra le Saint-Père, sera pour nous, la loi suprême et dernière.
J'ajoute encore que le vénérable évêque de Trèves, partage ma manière de voir et m'a prié expressément de faire connaître à Sa Sainteté, qu'il est en tout point d'accord avec moi.
Je suis, de Votre Sainteté, le fils soumis et respectueux.
+ Ludovicus Sebastian
Episcopus
Empfohlene Zitierweise
Sebastian, Ludwig an BenediktXV. vom 18. August 1919, Anlage, in: 'Kritische Online-Edition der Nuntiaturberichte Eugenio Pacellis (1917-1929)', Dokument Nr. 2847, URL: www.pacelli-edition.de/Dokument/2847. Letzter Zugriff am: 20.04.2024.
Online seit 04.06.2012.