Dokument-Nr. 3340
Benzler OSB, Charles-Henri-Jean-Willibrord an Gasparri, Pietro
Metz, 18. September 1917

[Abschrift]
Eminence,
La question d'Alsace-Lorraine étant actuellement au premier rang de l'intérêt politique et devant peut-être jouer un rôle important dans le traité de paix à conclure, je prends la respectueuse liberté de soumettre confidentiellement à Votre Eminence le rapport suivant, en La priant humblement d'en donner connaissance au Saint-Père, si Elle le juge à propos. Inutile d'ajouter que je ne m'y suis laissé guider que par les intérêts de la religion, qui sont en même temps les plus vrais intérêts de notre pays.
La situation politique en Alsace-Lorraine est jusqu'aujourd'hui provisoire et inachevée. Nous avons un gouvernement et un parlement, mais il nous manque un chef d'Etat autonome. Le pouvoir suprême repose sur le "Bundesrat", c'est-à-dire sur l'ensemble des princes confédérés d'Allemagne. Le pouvoir exécutif en Alsace-Lorraine est confié à l'Empereur. Tout le monde s'accorde à dire que cet état de choses ne peut durer indéfiniment. Il faut que l'ordre politique en Alsace-Lorraine finisse par prendre un caractère définitif. Mais les avis diffèrent, dès qu'il s'agit de trouver la manière et les moyens qui doivent amener ce règlement de choses. Il semble cependant qu'en ce moment la concession de l'autonomie, c'est-à-dire l'élévation de l'Alsace-Lorraine au rang des états autonomes de la Confédération,
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est sérieusement prise en considération. La décision est imminente, à en croire une déclaration récente du Chancelier.
Lorsqu'il vint à ma connaissance qu'ici, à Metz, une action énergique contre l'autonomie projetée avait été soulevée par des influences protestantes, je crus de mon devoir d'en référer au Comte de Hertling, président des ministres de Bavière, avec qui je suis en relations personnelles, et de le prier de faire valoir sa puissante influence en faveur de notre autonomie sous une dynastie catholique. Je me basais sur les raisons suivantes: l'Alsace-Lorraine est un pays où la majorité des habitants est catholique. En Lorraine et dans l'Haute-Alsace les protestants ne forment qu'une faible minorité; seul en Basse-Alsace ils sont en plus grand nombre. En 1904 la population catholique représentait 76% de la population totale. Or, si l'Alsace-Lorraine devient état autonome sous une dynastie catholique, il est à espérer que les intérêts catholiques seront confiés entre bonnes mains pour longtemps. Le caractère catholique de nos écoles primaires, en particulier, serait ainsi assuré, tandis qu'en Prusse l'école catholique semble sérieusement menacée par l'accroissement des députés socialistes qui ne manquera pas de se produire par le nouveau système électoral.
Cette solution de la question d'Alsace-Lorraine est particulièrement sympathique à notre peuple catholique et, par conséquent à la forte majorité de la population de ce pays. On ne veut pas, ici, de l'anticléricalisme français, on veut encore moins de l'école athée, comme elle existe en France. D'autre part on répugne à l'idée d'annexion
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à un état dont la majorité est protestante. Si l'on donne au pays une dynastie catholique, celle-ci trouvera dans notre peuple un accueil enthousiaste. Le parlement et, en particulier, la seconde Chambre, se prononcera à peu près unanimement en faveur de cette solution de la question. Peut-être qu'un certain nombre des membres du Sénat, généraux et autres, auraient des préférences pour l'annexion à la Prusse. Mais la difficulté pourra être facilement surmontée par le gouvernement.
Une solution de ce genre serait de nature à faciliter la conclusion d'un traité de paix, puisqu'elle répond en réalité aux aspirations du peuple et qu'elle enlèverait à la France le motif principal pour une reprise de l'Alsace-Lorraine.
Les organisateurs du mouvement opposé l'autonomie, dont je parlais plus haut, font valoir les raisons suivantes en faveur de l'annexion à la Prusse:
L'annexion apporterait au pays de grands avantages économiques, en réunissant l'industrie métallurgique de la Lorraine avec celle du bassin Rhéno-westphalien. Cette affirmation peut être vraie jusqu'à un certain point, mais le peuple ne goûte pas cette manière de voir; il n'a aucune sympathie pour l'annexion à la Prusse, comme je l'ai déjà dit plus haut.
On fait remarquer en outre la grande différence de caractère qui existe entre les populations alsaciennes et lorraines. L'influence des Alsaciens, deux fois plus nombreux que les Lorrains, entraverait aussi les intérêts de la Lorraine. Mais cette objection est sans valeur: n'existe-t-il pas dans d'autres états des divergences notables
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de caractère, sans que le bien de l'état s'en ressente aucunement et sans que la minorité se sente lésée en quoi que ce soit?
Le motif principal de l'agitation contre l'autonomie, c'est sans contredit, que dans une Alsace Lorraine autonome sous une dynastie catholique les protestants perdraient l'influence qu'ils possèdent actuellement. Il suffit de faire remarquer qu'en ce moment le ministère d'Alsace-Lorraine au complet, Secrétaire et Sous-secrétaires d'état, se compose de protestants et que de même les trois présidents des districts sont protestants.
Daigne Votre Eminence, ecc.
+ Willibrord
Empfohlene Zitierweise
Benzler OSB, Charles-Henri-Jean-Willibrord an Gasparri, Pietro vom 18. September 1917, Anlage, in: 'Kritische Online-Edition der Nuntiaturberichte Eugenio Pacellis (1917-1929)', Dokument Nr. 3340, URL: www.pacelli-edition.de/Dokument/3340. Letzter Zugriff am: 25.04.2024.
Online seit 20.12.2011.