Dokument-Nr. 536
Flämische Katholiken an Mercier, Désiré-Joseph
[Brüssel], vor dem 05. Oktober 1917

Eminence,
Maintenant que le cœur nous incite et que le devoir nous force à Vous parler, voilà que nous revoyons en esprit tout ce que vous avez fait pour notre Patrie pendant ces temps si durs. Nous nous rappelons avec reconnaissance, tout le courage que nous avons puisé dans Votre doctrine sur la valeur et le mérite du devoir militaire dûment rempli. Nous nous souvenons des paroles prononcées à la collégiale St. Gudule "les soldats sont les premiers ouvriers de la grandeur morale de notre pays", et de la fierté, dont elles nous ont remplis. Mais ce qui revit avec plus de puissance dans notre souvenir, c'est la bonté et le courage, avec lesquelles vous avez consolé, aidé, défendu nos familles. La grandeur morale, dont votre figure est revêtue aux yeux du monde entier, juste récompense de Votre lutte pour la justice contre le géant teuton, ne nous échappe pas. Elle nous a rempli de fierté, mais à l'instant où nous vous écrivons, elle mêle beaucoup de crainte à notre respect.
Les paroles que nous devons prononcer nous rendent le cœur inquiet. Elles nous donneront l'apparence d'oublier tout ce que nous venons de Vous rappeler, et de ne pas reconnaître assez la haute signification humaine de Votre Eminence et la dignité ecclésiastique plus élevée encore.
Mais il se présentent parfois des situations qui forcent l'homme à passer outre à l'apparence, qui étonne et scandalise, et à s'adresser aux hommes en n'ayant en vue que Dieu seul et le devoir qu'Il impose, même s'il faut
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s'adresser aussi aux représentants de Dieu. Votre Eminence, Elle-même s'est vue placée dans une situation pareille quand elle se crut obligée de donner au monde le troublant spectacle d'une offensive d'Episcopat contre Episcopat. Mais "le devoir de l'évêque qui prime tous les autres, de rechercher et de proclamer la vérité", et "l'espoir de mettre fin par un acte public aux divisions entre évêques, de faire cesser ainsi ce qui pour le monde était une occasion de scandales, et éveillant chez lui des pensées de blasphème", décidèrent Votre Eminence à agir. Elle écrivit alors la lettre de défi à l'Episcopat allemand, qui nous a fait tant de bien à l'âme.
Notre situation nous oblige à parler à notre tour. Votre grand exemple nous anime. Plût à Dieu qu'un même bon effet s'en suive.
Notre situation est celle-ci.
Nous sommes partis en guerre, à l'appel de l'État Belge, parce que cet Etat avait le droit de nous l'adresser. Nous y avons répondu avec enthousiasme, parce que nous entendions la voix de la Patrie dans l'appel de la Belgique. Nous avons supporté tout ce qui s'en est suivi, nous n'avons pas lésiné avec notre sang, et la longue durée de notre exil et de nos peines n'a pu ébranler le courage de notre âme. C'étaient là les suites nécessaires de notre premier pas ... que nous ferions encore.
Mais notre courage a été ébranlé sous le poids d'autres peines qui ne sont pas les suites nécessaires de ce pas. Nous avons été opprimés, traités en hommes d'espèce inférieure aux autres Belges, maltraités, méprisés uniquement parce que nous sommes Flamands1.Notre âme n'a pas pu porter ces peines-là parce qu'elles nous étaient causées par ceux-là mêmes, qui auraient du être nos frères et nos guides, par nos chefs qui nous commandaient au nom de la Patrie Belge.
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L'amertume croissante en nous nous a fait examiner l'Armée, où une telle situation nous était faite avec une sévère minutie; et nous y avons découvert une autre injustice: les Flamands occupent sur la ligne de feu le premier rang toujours et sans exception. Souvent nous avons librement choisi cette place, quand on demandait des hommes de bonne volonté, mais notre examen nous montrait, que le commandement de l'Armée nous assignait cette place trois ans de suite, en tout endroit et à toute heure; d'autre part nous découvrions que la densité des Wallons dans les rangs augmentait en raison directe de la diminution du danger, et de l'éloignement du front. Ces deux faits nous ont d'abord exaspérés contre nos officiers, qui nous méprisaient et contre les Wallons, les privilégiés. Plus tard nous nous sommes rendus compte, que la responsabilité de cette situation se trouvait plus loin, et plus profondément. La conduite des officiers et les privilèges des Wallons, étaient la suite inévitable de l'organisation de l'Armée. Une fois ce principe admis: "le français est la langue de l'Armée", il s'en suit deux choses: les Flamands comprennent mal leurs officiers, exécutent mal leurs ordres, encourent souvent des punitions sans vraie faute, et sans moyen de s'expliquer, ils deviennent mécontents, entêtés, moins bon soldats au point de vue de la discipline, les officiers doivent les considérer comme tels, c'est la voie vers le mépris.
Voilà la première, et la seconde est celle-ci: les portes d'administration (les moins dangereux évidemment!) passent nécessairement à ceux qui connaissent la langue d'administration; ils restent donc a priori inaccessibles à l'énorme majorité des Flamands. Tous les Flamands qui ne connaissent que leur langue, fussent-ils des génies, l'armée belge ne peut en faire qu'un seul usage: tous
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doivent être soldats de la tranchée, c'est à dire, cible à balles et chair à canon.
Alors nous sommes arrivés à une dernière conclusion – elle est inébranlable: trop de souffrances, dans de trop langues et de trop dures années nous l'ont enfoncée trop avant dans l'âme! – C'est celle-ci: le pays où une organisation comme la nôtre, peut exister est un pays mal organisé. L'armée est à l'image du pays, et pour un flamand il ne fait pas bon vivre en Belgique, comme il ne fait pas bon pour lui de servir dans l'armée belge. Cela doit changer. L'armée ne changera pas si le pays ne change. L'organisation du pays doit être modifiée. C'est là le droit flamand, qui s'impose désormais, clair, sacré, primordial.
Voilà ce que nous avons résolu, et la voix, qui nous dicta cette résolution, sortait de notre race germanique, de notre sang Flamand, contre notre Etat Belge. Toutes ces distinctions dormaient profondément dans l'inconscience, que produit l'état de paix et un certain bien-être matériel. Mais la souffrance est venue; elle a séparé tous ces éléments l'un de l'autre, comme fait un acide, et depuis nous avons distingué entre le droit du peuple, et celui de l'Etat, nous avons reconnu leur place et leur valeur respectives.
Oh! nous n'aurons pas la présomption de vouloir établir ici de principes. La renommée scientifique de Votre Eminence est trop haute pour nous permettre n'importe quel exposé de principes ou de discussion philosophique, dans une lettre adressée à Elle. Nous nous bornons donc à Vous raconter ce que nous sommes devenus, ce que ces temps et la servitude militaire ont produit en notre esprit et en notre cœur et comment la guerre nous a fait peser notre droit et celui de l'Etat. Nous les avons pesés: notre sang et notre vie nous servaient de poids. Il n'y a pas de poids plus exacts,
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ou plus sûrs, ou qui déterminent aussi définitivement les valeurs.
Nous avons reconnu le droit de notre Etat à notre sang et notre vie, en les donnant. C'était un droit d'exigence sans restriction, mais en répondant par un don complet, nous avons maintenu notre position nette et notre droit dans toute son intégrité. Il nous permet donc d'exiger sans aucune restriction de notre Etat ce dont notre peuple a un besoin absolu. Et ce dont notre peuple a un besoin absolu, c'est une modification radicale de l'organisation politique de notre pays, telle que les deux peuples qui l'habitent puissent y vivre heureux et s'y développer complètement. Tous nous sommes d'accord qu'il faut une modification radicale; la très grande majorité estime que la séparation administrative, entendue comme signifiant l'autonomie des deux peuples en un état fédéraliste, est la seule base solide de notre vie future, et par tant, la seule forme de modification, que nous puissions admettre. Nous disons: "puissions admettre" car après cette guerre, et après tout ce qu'elle a été pour les Flamands, notre situation dans la Belgique de demain doit être établie sur des garanties d'une sûreté absolue, l'unité nationale ne nous paraît plus possible autrement.
Voilà ce que nous sommes devenus, Eminence, et voilà comment nous venons à vous.
"Un évêque est un père" c'est une des belles paroles de vos mandements du temps de guerre. C'est plus qu'une parole, puisqu'elle rappelle tous les actes, par lesquels vous en avez prouvé la vérité. Les voyages, les larges aumônes, les dangers encourus et méprisés, la force de Votre parole consolante, vengeresse, courageuse toujours, téméraire même, l'ont prouvé: Vous êtes un évêque et un père. Eminence, nous le savons. Nous savons aussi que faire droit
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à ses enfants est un plaisir du cœur pour un père, et que son premier devoir d'éducation est de leur donner les biens spirituels des connaissances, de la conscience de soi-même, du plein développement de leurs facultés, à côté des biens et des soulagements matériels et de préférence à ceux-ci.
Ce motif à lui seul suffisait pour nous amener avec une confiance illimitée auprès de Votre Eminence, s'il n'y avait d'autres motifs, qui la circonscrivent, et y mettent des bornes. Certes, nous reconnaissons l'autorité divine, dont Vous êtes revêtu, certes nous nous inclinons avec un profond respect devant la Sainteté et la grandeur de Votre doctrine et de votre vie, mais il nous est impossible dans l'urgence de notre devoir, de fermer les yeux devant certains côtés de l'homme en Votre Eminence qui ébranlent la sûreté de notre confiance.
Et tout d'abord Votre Eminence est Wallon. Loin de nous d'employer ce terme avec mépris; nous estimons trop les Wallons nos frères d'armes. Mais c'est un fait, et ce fait nous force à voir dans Votre sang un obstacle pour comprendre la nature du nôtre, et du droit que le sang et la race déterminent. Par la cause de la différence du sang, le concept que vous avez de notre droit ethnique sera empêché de devenir agissant et fructueux. La condition nécessaire y manquera, celle que toute la philosophie moderne y pose: le contact direct, la perception immédiate. Votre sang fera en sorte que votre perception de notre droit restera "notionnel", et pas "réel" pour employer la célèbre distinction de votre génial collègue dans le cardinalat J. H. Newman. Nous craignons que le sang n'agisse comme cet obstacle latent, mais puissant contre lequel. Votre Eminence prémunissait elle-même ses séminaristes, en leur disant de prier pour qu'une vérité déjà vue et connue, devienne pas la grâce, vivante
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et agissante. Il s'agissait là de la grâce et des choses surnaturelles évidemment, mais cet obstacle que la grâce devait enlever, dans l'ordre des choses naturelles, dont il s'agit ici, ne serait-ce pas la communauté du sang, au moins la similitude du caractère, qui devraient l'enlever? Flamands et Wallons n'ont ni l'un ni l'autre, Votre Eminence le sait.
En second lieu, Votre Eminence a, dans nombre d'allocutions, de mandements etc., mis le droit de la Belgique en un relief très puissant, a semblé ignorer le droit flamand et lui donner tort a priori. Cette condamnation ressortait si clairement, que nous nous sommes mis à douter, si nous ne commettions pas un acte antipatriotique en faisant notre revendication Flamande dans un sens tout à fait absolu. Grâce à Dieu, Vous nous avez forcés de la sorte, Eminence à plonger notre conviction Flamande, ardente dans notre conscience catholique, glacée par la crainte de Dieu. Mais grâce à Dieu, encore une fois, et à votre Eminence, cela a été l'épreuve de la trempe, d'où le fer sort acier.
Nous ne vous exposons pas comment nous avons cherché, étudié, compulsé les auteurs, car nous voulons à tout prix éviter l'apparence irrespectueuse d'une discussion; mais nous le répétons: nous mesurons déjà, trois ans durant, toutes nos pensées et nos convictions avec la mesure de notre vie et de notre mort, nous mettons à côté de chacune d'elles notre sacrifice. O Eminence, il n'y a pas seulement que le sang qui découle du sacrifice, il en découle aussi la vérité et la certitude, la certitude de la vérité vécue. Et nous sommes sûrs d'une certitude que personne ne nous enlèvera et nous le déclarons avec une sincérité, dont la gravité de ces temps nous font un devoir grave: Vos soldats catholiques et flamands, vos enfants donc, portent dans leur conscience la conviction:
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1°) que le droit de la Flandre n'est pas subordonné au droit de la Belgique, bien qu'il ne lui soit par nécessairement opposé.
2°) que la Belgique est un état possédant tous les droits d'un état, mais que la Flandre est un peuple possédant tous les droits que possède un peuple.
3°) que la Belgique empiète sur le droit de la Flandre à chaque fois qu'elle en appelle au droit des peuples pour s'armer contre les Flamands.
Ils portent encore une quatrième conviction dans le même sanctuaire et avec la même détermination; celle-ci: les souffrances des fils de la Flandre, et l'injustice qui les accablait, manifestée avec la clarté de l'évidence par la guerre, ont décidément amené les temps de réforme et des renouvellements; l'heure est sonnée, où les deux droits du peuple flamand et de l'État Belge devront être confrontés, pour voir sous quelle forme équitable et définitive ils peuvent exister ensemble en harmonie. A cet effet il faut établir aussi strictement que possible leur divergence et désirer aussi ardemment que possible leur union harmonieuse. C'est ce que nous faisons. Mais à cela se borne ce que nous devons et pouvons faire. D'autres directions, d'autres insinuations, nous ne pouvons plus les admettre en cette matière, vu qu'elle ressort uniquement de notre propre conscience, et que la conscience est un boucher contre toutes les approches dans toutes les directions.
Mais ici nous en arrivons au troisième motif de défiance. Daignez nous croire, Éminence, il nous est pénible de l'aborder, mais les temps décisifs, que nous traversons ne nous permettent aucun silence. Votre Eminence, pose aussi des actes par lesquels Elle prend position d'une façon juridique contre la cause flamande; ces actes équivalent donc à un principe, et ce principe
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est la négation de notre droit. Ces actes sont:
une hostilité publique contre l'Université flamande de Gand
le dédoublement projeté de l'Université de Louvain,
où la partie flamande apparaît comme la partie sacrifiée. Ceux qui voudront y faire leurs études, devront les faire au milieu de tant d'ennuis et de difficulté, que la main gauche semble reprendre ce que donna la droite.
c) une hostilité encore plus marquée contre la séparation administrative. La défense de délivrer le certificat d'études à la fin des humanités ou des cours normaux équivaut à la mobilisation des établissements d'instruction libres catholiques, contre la séparation administrative. C'est en donnant cette interprétation à cette mesure que le XXe siècle l'a applaudie bruyamment. Le a) et le c) peuvent à la rigueur s'expliquer comme dirigés contre la façon d'introduire, façon illégale, partant contre l'Allemagne; mais le b) et certaines particularités qui accompagnent les trois actes, ne laissent place à aucun doute: ces actes signifient tout autant l'hostilité de Votre Eminence contre la chose elle-même, c'est à dire contre notre droit flamand, et prouvent qu'Elle ne le comprend toujours pas encore suffisamment, et n'en a pas la sensation vitale. Le b) parle par lui-même. Quant aux particularités signalées, nous les trouvons dans nombre de lettres, envoyées de la Patrie au front, qui viennent nous raconter comment une espèce d'abjuration de leurs convictions flamands serait exigée par Votre Eminence, des candidats au sacerdoce, comme condition d'admission dans les Séminaires et comment Elle aurait pris des mesures sévères contre les étudiants catholiques des collèges libres, coupables du crime d'avoir assisté à une réunion flamande, ou de se dévouer à la lutte pour le droit Flamand.
Devant ceci, nous faisons à Votre Eminence les déclarations suivantes:
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1°) Notre âme est triste, notre courage baisse, le poids de la guerre en est doublé, en nous ne sentons plus rien des consolations que Vos paroles nous donnaient jadis. Nous avions espéré avec un espoir si chrétiennement sûr d'entendre les paroles du Christ tomber des lèvres du représentant du Christ "Laissez venir à mois let petits" alors que nous venions à Vous, nous, les Flamands, qui sommes les petits en Belgique. Nous pouvions l'espérer en venant vers Vous avec notre seule petitesse, et sans apporter devant Vous notre droit, qui est toujours grand, qui est le plus grand dans les petits, et dont la grandeur dépasse tous les grands de ce monde, parce que Dieu nous le donna ensemble avec la vie, et que Lui le sema dans notre sang.
2°) Nous ne comprenons pas la possibilité de votre attitude, Eminence, e nous levons vers Vous des regards douloureusement étonnés. Un savant, qui voit si clair dans les principes et les systèmes les plus enchevêtrés, comment ne revaut il pas à se rendre compte du fait vivant et palpable de l'existence du peuple, parmi lequel Il vit, dans l'État qu'il habite! Dans sa célèbre "Psychologie" le professeur Mercier étudiait avec une parfaite rigueur d'investigation l'activité de l'âme dans son instrument le cerveau, de peur de rester dans des abstractions nuageuses; comment donc ce même savant, ne semble-t-il pas en avoir peur, quand il s'agit d'étudier l'âme d'un peuple, et d'un peuple de son pays? Ces questions se lèvent en nous, en nous n'avons plus le droit de rien vous cacher.
3°) Nous avons senti sourdre en nous un sentiment de révolte. Nous nous sommes dit notamment: pourquoi voyons-nous se reproduire encore une fois, ce qui s'est produit si lamentablement souvent dans le cours de nos luttes parlementaires pour obtenir nos lois flamandes: pourquoi jette-t-on notre conscience catholique et le péché, comme un feu de barrage, entre nous-mêmes et notre
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devoir flamand? pourquoi oppose-t-on de nouveau Dieu contre Dieu? Pourquoi fait-on cela, surtout maintenant que nous versons tant de sang flamand pour la Belgique? Le rouge que porte Votre Eminence, est digne de tout respect, mais le rouge que nos membres portent après l'avoir versé, est digne aussi de tout respect. Nous dresserons donc ce rouge contre l'autre.
Nous avons réprimé ces sentiments, nous les avons surmontés et regrettés, et nous voulons rester soumis aussi loin que nous le pouvons et respectueux toujours. Mais nous n'y réussissons pas sans grandes difficultés; nous restons des hommes, et les temps nous font tant de violence, Eminence, ne nous induisez pas dans la tentation. Les meilleurs d'entre nous et les plus instruits reconnaîtront toujours Votre autorité, et ne prendront jamais la haute vénération, qui vous est due, pas même en agissant à l'encontre de Votre parole, mais les autres, le grand nombre, le pourront-ils? Votre dignité ecclésiastique d'une part, votre ligne de conduite humaine de l'autre seront toujours des choses bien distinctes pour l'élite d'entre nous, mais pour la masse des autres? Et ces prêtres, ordonnés à la condition (que nous persistons à croire sous réserve, malgré la qualité de ceux qui nous écrivent) seront des prêtres á nos yeux, évidemment, mais Votre Eminence peut-Elle réellement s'imaginer, qu'il serait possible à un seul d'entre nous de travailler la main dans la main avec eux, par exemple sur le terrain social, après qu'ils nous ont renié sur le terrain politique, et dans les heures les plus graves? Sans l'union des âmes, tout travail reste stérile, tel serait le nôtre avec ces prêtres. Eminence, les distinctions sont si faciles à faire dans uns chambre d'étude, et sur le papier, mais dans la vie comme elles sont impossibles! Ne nous induisez pas en tentation.
4°) Enfin nous éprouvons un sentiment de peur. Le magnifique courage de Votre Eminence et tant d'actes de
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sa vie publique en cette guerre Lui ont acquis une grande force morale. Elle pourrait travailler, grâce à elle, avec une grande puissance au bien de la religion en notre pays. S'il se produit ce qui doit se produire, dans l'hypothèse que Votre Eminence garderait la même attitude envers notre droit, alors le peuple flamand, poursuivant la route, qu'il ne peut quitter, vous rencontrera sur son chemin, devra lutter contre Vous, et alors, que deviendra cette force morale et sa puissance bienfaisante? Ne nous échappera-t-elle pas et, en tout cas, Votre peuple n'en perdra-t-il-pas tous les fruits, dans cette lutte triste, mais inévitable?
Eminence,
Nous avons parlé sans rien cacher. Notre cœur est soulagé parce que notre devoir est accompli. Nous n'avons aucune indication à vous faire, aucune revendication à exiger de Vous, mais nous espérons beaucoup de Votre conscience et de Votre cœur. Votre Eminence laissera les catholiques flamands tout à fait libre de choisir et de défendre telle forme d'organisation de l'Etat, qui leur paraîtra la meilleure pour la Flandre, et partant pour la Belgique. Elle n'exercera aucune pression sur personne, surtout pas sur les prêtres. Nous l'espérons, parce que nous nous souvenons de ses paroles "l'homme, chez les peuples civilisés a droit à la liberté". Les Flamands sont civilisés et être libre signifie avant tout s'arranger chez soi comme on veut, surtout si on ne veut autre chose que d'habiter á son aise dans sa propre maison. Voilà le minimum de notre espoir, mais vos éminentes qualités d'esprit et de cœur nous permettent plus. Nous espérons donc Vous voir vaincre les deux obstacles, qui vous empêchent de marcher avec nous: Votre race et un certain traditionalisme légitime en soi (d'après lequel son existence même est reconnue comme un titre juridique de ce qui existe pour ne pas être remplacé par autre chose sans raison grave). Vous reconnaîtrez notre droit flamand et nos graves raisons de le revendiquer, et Vous aiderez à le conquérir. Comme cette attitude sera belle
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2 aussi aux yeux de Dieu; certes elle sera plus belle que Votre attitude contre l'ennemi et en ce jour Vous éprouverez de quel amour le peuple flamand est capable.
En finissant nous voulons dire à Votre Eminence qui lui a parlé. Ce sont les deux cents intellectuels flamands qui luttent sur le front, et qui ont signé la lettre adressée aux Puissances. Les noms seront publiés en temps voulu; nous regrettons que les règlements de l'armée ne nous le permettent pas maintenant. Nous ne parlons pas au nom des prêtres et ecclésiastiques présents au front: des liens spéciaux les lient à Votre Eminence, et ils peuvent l'atteindre par la voie de leur propre hiérarchie; cependant ils sont avec nous. Mais ceux qui parlent par notre bouche, c'est l'armée toute entière, pour autant qu'elle est flamande et catholique c'est à dire l'énorme majorité. Veuillez ne pas en douter, Eminence, tous les soldats flamands comprennent d'une façon populaire il est vrai, ce qui est l'objet de cette lettre; ils savent et sentent passionnément tout ce qui est dit et le veulent avec détermination. Vous seriez étonné si vous pouviez en faire la preuve. En voici une que nous proposons: que Votre Eminence s'interpose près de l'autorité compétente et obtienne pour la lettre que voici la libre circulation dans les régiments qui combattent au front, et pour les soldats la pleine liberté de la signer. Si alors on n'aura pas vu en quelques jours cette lettre se couvrir des noms chéris et précieuses de plus de 50.000 soldats flamands du front, nous renoncerons pour notre part à notre droit, et nous ne ferons plus un pas pour l'acquérir.
Nous déposons ces paroles sincères, loyales et respectueuses aux pieds de votre Eminence, en la priant d'accepter l'expression de notre affection filiale et de notre haute considération.
1"nous sommes Flamands" hds. rot unterstrichen, vermutlich vom Empfänger.
2Seiten im ASV falsch abgelegt.
Empfohlene Zitierweise
Flämische Katholiken an Mercier, Désiré-Joseph vom vor dem 05. Oktober 1917, Anlage, in: 'Kritische Online-Edition der Nuntiaturberichte Eugenio Pacellis (1917-1929)', Dokument Nr. 536, URL: www.pacelli-edition.de/Dokument/536. Letzter Zugriff am: 25.04.2024.
Online seit 24.03.2010.