Dokument-Nr. 6657
[Mütter belgischer Jugendlicher] an Benedikt XV.
[Ohne Ort], vor dem 09. Juni 1918

Copie.
Très Saint Père
Au nom d'un groupe nombreux de mères de famille, dont nous faisons partie, nous soussignées, avons l'honneur d'exposer à Votre Sainteté les faits suivants qui viennent de se passer à Mons (Heinaut).
Le 25 février dernier, l'Autorité Allemande, au mépris des lois de l'humanité et des clauses des Conventions de La Haye, a procédé à une levée forcée d'adolescents, pour les déporter en France, et les soumettre à des travaux manuels, dans l'intérêt militaire allemand. D'autres déportations partielles avaient précédé celle-ci.
Voici comment les choses se sont passées:
Le dimanche 24 février, dans la soirée et dans la nuit, une convocation réquisitionnant des jeunes gens leur était remise contre signature. Quelques uns même la reçurent le lundi matin, à 10 heures ½.
Elle Portait:
Monsieur X…demeurant rue X…doit se présenter le 25/2/18, à 3 heures après midi (allemandes), à l'office du Travail, dans la caserne de cavalerie – Prendre soin de se munir de bonnes chaussures, vêtements, couvertures et couvert.
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Il faut apporter immédiatement ses bagages.
Le 25 à 3 Heures, ces Jeunes gens se rendirent à la caserne susdite. On les aligna dans la cour et l'on procéda au triage. Les jeunes recrues furent à la visite médicale, où, après un examen rapide, qui se fit sans la moindre réserve au point de vue moral, et la vaccination contre le typhus, on les renvoya dans la cour, où ils séjournèrent par un froid très vif, de trois heures à 8 heures ½ du soir.
Plusieurs d'entre eux étaient porteurs de certificats médicaux, justifiant d'un état de santé défavorable; pour la plupart il n'en fut pas tenu compte, et l'on vit partir des enfants malades ou convalescents d'affections graves.
Sur 600 hommes convoqués, 265 furent retenus.
Dans cet enrôlement figure un grand nombre de tous les jeunes gens dont beaucoup sont âgés de moins de 16 ans. Ce sont des enfants pris dans les établissements d'enseignements où ils font leurs études.
Pour préciser les faits à Votre Sainteté, nous relevons que l'Athénée de Mons a fourni 33 élèves, la Collège des Jésuites 40, l'Ecole Normale 9, l'Institut Saint Ferdinand à Jemappes 29, l'Ecole Moyenne de Mons 33. Ces deux derniers établissements appartiennent à l'enseignement moyen du second degré, lequel comprend, en général, 7 années d'étude: 4 primaires et 3 moyennes. Les élèves sont admis dans la première année primaire à l'âge
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de 6 ans. On a pris un écolier de la section primaire et un très grand nombre d'élèves des classes inférieurs de la Section moyenne. Ces enfants n'avaient jamais fait de travail manuel.
A 8 heures ½ du soir, quand l'enrôlement fut terminé, les recrues furent transférées à la caserne d'infanterie, en rangs serrés, qu'ils ne pouvaient quitter et dont on ne pouvait approcher, privant ainsi les parents de revoir leurs enfants et de leur faire leurs adieux.
Là un comité local belge, qui s'est constitué pour venir en aide aux déportés, a fait à ceux-ci une distribution de soupe et de pain. C'est même comité, qui leur donna le lendemain du café et des provisions pour le voyage.
L'autorité allemande ne s'occupe pas du ravitaillement des hommes, dont elle s'empare, avant qu'ils ne soient sur le chantier de travail.
Après une nuit sans sommeil, dans un local défectueux, les déportés furent dirigés vers la gare, sous escorte de la gendarmerie. Beaucoup d'entre eux étaient fatigués, souffrant de la vaccination.
Les plus jeunes et les plus faibles pliaient sous le poids de leurs sac, qu'ils ne parvenaient pas à porter. On les embarqua à 8 heures dans un train non chauffé et ce n'est qu'à une heure de l'après midi qu'ils partirent pour une destination inconnue. En quelques heures on nous les avait arrachés du foyer
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de la famille, et on les emmenait sans que nous ayons pu leur donner aucun encouragement ni aucun conseil.
Après un voyage de 12 heures, ils furent débarqués à Douai, à ½ du matin [sic]; ils y passèrent le reste de la nuit dans un vieux bâtiment, où durent ils s'étendre par terre pour se reposer.
Ils sont donc établis à 12 ou 15 kilomètres du front, exposés aux périls de la guerre, mal logés mal nourris.
On les astreint à un travail fatigant auquel ils n'étaient pas préparés. Ils ont dû porter sur le dos des sacs de sucre, de farine, d'un poids de 50 et 75 kilgs, alors qu'à Anvers le règlement du port interdit de faire transporter par les débardeurs, hommes faits, habitués au travail et rompus au métier, des poids supérieurs à 75 kilogrs.
Ils sont couchés sur des treillis en fer, sans paillasse dans un local froid, hors des conditions hygiéniques. Ils sont mal nourris et cela en pleine croissance, alors que leur organisme doit être fortifié par un régime substantiel et suffisant. Ils ne pourraient se soutenir, s'ils ne rapportaient des provisions de chez eux, la région habitée n'offrant plus aucune ressource. Malheureusement les permissions de retour sont rares.
Ces enfants, dont la plupart n'ont jamais quitté leurs parents, sont tout à coup livrés à eux-mêmes, sans surveillance, sans appui, sans aucune action moralisatrice, qui puisse s'exercer sur eux, sans aucun secours religieux; en effet le dimanche,
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le travail du matin empêche l'assistance à la messe. Les démarches tentées pour permettre à des prêtres d'aller au milieu des déportés exercer leur Saint Ministère, sont restées jusqu'ici sans succès.
Dès les premières dans notre ville la déportation a fait une victime. Un adolescent de 15 ans et 4 mois, très bien portant, en recevant sa convocation en a éprouvé une telle émotion, que le soir même il s'alitait et que deux jours après, une méningite l'emportait rapidement, privant les parents de leur unique enfant.
Voilà donc des jeunes enfants, victimes innocentes, étrangers au bouleversement universel qui afflige le monde en ce moment, arrêtés sans raison dans le cours de leurs études, et exposés à perdre l'habitude et même le goût du travail intellectuel. Ils sont en outre soustraits aux sollicitudes et à la surveillance de leurs parents, que leur inexpérience et les témérités de leur jeune âge rendent si nécessaires.
Le Cœur de Votre Sainteté, justement ému au récit du sort si malheureux de ces enfants, comprendre [sic] sans peine les angoisses et la douleur de leurs mères. C'est pourquoi elles se permettent de supplier Votre Sainteté de daigner intervenir auprès de Sa Majesté l'Empereur d'Allemagne, pour qu'Elle veuille mettre fin à des mesures aussi inhumaines et ordonne le renvoi des ces adolescents dans leur foyer.
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Sa Majesté Impériale ignore sans doute ces faits; car déjà l'an dernier, des déclarations avaient été faites par Elle, permettant d'espérer qu'il serait mis fin à la déportation des Belges mêmes adultes. Malheureusement dans la région des étapes, l'enlèvement par contrainte ne fait que s'aggraver et menace même de s'étendre aux femmes, aux femmes [sic], aux jeunes filles et aux fillettes au dessus de 13 ans.
Il est indispensable que Votre Sainteté sache qu'aucun de ces jeunes gens n'avait signé un engagement de travail.
Contrairement à ce que ont publié des journaux allemands ou de pays neutres, sur des renseignements d'origine allemande, ces levées même d'adultes ne sont nullement faites à la suite d'engagement volontaires, mais par contrainte sous menace de peines sévères.
Le régime du travail, la surveillance qu'ils subissent et la subsistance alimentaire, sont aussi durs que ceux des prisonniers.
Dans l'espérance qu'Elle aura la bienveillance d'accueillir favorablement notre humble requête, nous soussignées avons l'honneur de déposer aux pieds de Votre Sainteté, l'hommage de notre vive gratitude et de notre plus profond respect.
(Seguono le firme)
Empfohlene Zitierweise
[Mütter belgischer Jugendlicher] an BenediktXV. vom vor dem 09. Juni 1918, Anlage, in: 'Kritische Online-Edition der Nuntiaturberichte Eugenio Pacellis (1917-1929)', Dokument Nr. 6657, URL: www.pacelli-edition.de/Dokument/6657. Letzter Zugriff am: 28.03.2024.
Online seit 20.12.2011, letzte Änderung am 10.09.2018.