Dokument-Nr. 14548

Danev, Stojan PetrovStefan I.Veltscheff, SotirVateff, St.Tschawov, BogdanKiroff, Al. D.: La question des réfugiés en Bulgarie. Société bulgare de la Croix-Rouge, Section du Comité Exécutive de Secours aux réfugiés. Sofia, 25. November 1925

A M.M. les Présidents de la Société de la Croix-Rouge bulgare, aux Présidents des groupes scolaires du la Croix-Rouge de la jeunesse et à MM. les maires de tous les villages et villes du Royaume.
Messieurs,
Depuis des siècles le sort n'a réservé que des souffrances à la race bulgare. Il ne lui a laissé que peu de temps pour s'adonner à une vie paisible et culturelle. A peine affranchie en 1878, la Bulgarie a été morcelée et obligée dans la suite à mener une série de guerres de libération, pour être, hélas, à nouveau jetée dans le deuil et la détresse. Amputée de quatre côtés, notre terre sacrée doit, par un mauvais sort, dans la dure adversité, nourrir ses enfants.
La tragédie bulgare est sans pareille dans l'histoire. Ce qu'il y a de plus triste à l'heure actuelle, ce qui, en même temps, est un écho de cette tragédie, ce sont les flots ininterrompus de réfugiés qui, depuis l'affranchissement de la Bulgarie (1877), surtout depuis la date mémorable de la Saint-Elie en 1903, ne cessent de nous arriver des pays voisins, et inondent de larmes et de souffrances la Bulgarie martyrisée. Notre pensée va aux plusieurs centaines de milliers de nos frères chassés de leurs foyers, victimes d'un concours malheureux de circonstances. C'est avec résignation que le Bulgare libre partage avec eux son abri délabré et son morceau de pain dur, afin de réchauffer les cœurs refroidis des réfugiés infortunés, ses frères, sans pour cela refuser l'hospitalité à des dizaines de milliers de réfugiés étrangers, venus dans la petite Bulgarie chercher la paix et la tranquillité.
Cependant, depuis quelques mois, le Bulgare asservi et sans défense est l'objet de violences et de persécutions impossibles à décrire; ces nouvelles tortures font déborder le calice des souffrances, et causent des convulsions douloureuses au cœur bulgare jusqu'à le faire saigner. Ces Bulgares sont obligés d'abandonner leurs foyers natals dénués presque de tout.
Tous les jours, des centaines de familles originaires de tous les coins de la Macédoine et de la Thrace, viennent frapper à nos portes à Svilengrade et à Svéti-Vratch. Une nouvelle vague de cent mille réfugiés est sur le point de se déverser sur notre frontière du sud. Une suite interminable de vieillards, de femmes, d'enfants engourdis par le froid et l'humidité, silencieux dans leur tristesse infinie pour le toit paternel perdu, la tête baissée, s'acheminent même par cette rigoureuse saison vers des régions inconnues. Chassés de leurs chers pays et de leurs foyers natals séculaires, n'emportant par la grâce de leurs durs maîtres que quelques haillons, sur un chariot grinçant tiré par un bœuf décharné, ces déshérités du sort arrosent de leurs dernières larmes, le chemin de leur exil. Ils gardent silencieusement dans leur âme un seul espoir: celui de rencontrer ici dans la Bulgarie, un sourire fraternel et de la compassion pour leur infortune.
Les lamentations des expulsés grelottants, malades et moribonds deviennent de plus en plus navrantes. Les appels au secours des enfants innocents et des vieillards parviennent à nos oreilles, leurs mains tendues arrivent jusqu'à nous. Nous, leurs frères plus fortunés, ne pouvons pas demeurer des spectateurs muets et impassibles devant tant de détresse; notre devoir suprême est de leur venir en aide d'un cœur affectionné. Le moment nous ordonne de chercher des forces et des moyens avant tout chez nous, de regarder le mal en face, de répondre vite, sans hésitations, aux besoins urgents de secours fraternel, pour ne pas laisser la mort faucher les dernières espérances de ceux qui cherchent un refuge contre elle ici au nom d'une même race et d'une même langue.
67v
Il est vrai que notre petit Etat ne cesse de déployer tous les efforts pour venir à bout de cette calamité grandissante, mais les besoins sont si vastes, qu'ils deviennent insupportables pour lui.
Mutilé, lourdement oppressé par des obligations découlant des traités de paix qui le forcent à payer de grosses sommes aux vainqueurs, il s'épuise dans sa vitalité même. Ne pouvant guérir ses propres maux, comment pourra-t-il s'acquitter de la dette envers les réfugiés qui arrivent sans cesse plus nombreux. Voilà pourquoi nous avons le devoir impérieux de faire appel à la bienfaisance sociale organisée.
Naguère, dans la personne de ses délégués, la Croix-Rouge bulgare, expression des sentiments généreux de l'âme bulgare, pour parer à la détresse des réfugiés, décida d'alléger, autant que possible, leurs maux. Elle créa une section spéciale – Le Comité Exécutif – qui après avoir recueilli ce qu'il pouvait de secours divers, devait partir pour la frontière, distribuer aux réfugiés un premier secours, prendre soin des infirmes et des malades, rassembler et installer les malheureux orphelins, en un mot faire le possible pour remédier aux besoins les plus pressants d'un chacun. Ce comité, par les ressources en nature et en espèce dont il put disposer dans le premier moment, grâce à la générosité de la Croix-Rouge, réussit à envoyer des missions à Svilengrade et à la gare Général-Todoroff pour y établir des postes de secours et y offrir le pain et le sel aux malheureux exilés. Et c'est alors que le Comité se trouva en face de besoins urgents, et d'une lourde responsabilité publique pour l'accomplissement jusqu'au bout de son devoir. Il entra en relations avec toutes les organisations de bienfaisance internationales, afin de rechercher de toutes parts un secours pour ceux qui, non par leur faute, sont actuellement dans le plus complet dénuement. Néanmoins, notre premier appel doit être: Frères bulgares, soyons les premiers à assister nos compatriotes! Alors seulement nous aurons le droit moral d'en appeler à la générosité du monde civilisé et de lui demander que l'on mette fin aux attentats aux sentiments humains les plus sacrés: la privation du foyer natal, et que cesse l'interminable procession des martyrs auxquels l'on ne peut reprocher qu'une seule faute: celle d'être Bulgares.
Nous sommes pleinement fondés à croire qu'à l'appel de la Croix-Rouge, il ne se trouvera pas une âme bulgare, si souffrant fût-elle, qui ne veuille y répondre et qui ne prenne à cœur l'infortune des réfugiés. La Croix-rouge [sic] adresse son appel à tout bon citoyen, citadin ou rural, pour qu'il donne son obole qui contribuera à alléger les souffrances de ceux qui ont abandonné ce qui leur était le plus cher et viennent chez nous avec les lumineux idéals de la race bulgare et avec la ferme volonté de garder leur nom jusqu'au tombeau.
Nous venons donc vous prier, messieurs, de convoquer immédiatement, au nom de la Croix-Rouge bulgare, en séance, les membres de votre section, pour y élire des commissions et des comités de dames, qui donneront la plus large publicité à notre appel et ouvriront sans tarder une souscription pour la quête de secours en faveur des réfugiés.
Convaincus, messieurs, que vous ferez tout votre possible pour contribuer au succès de l'œuvre entreprise de sublime charité, d'amour de la Patrie et d'humanité, nous vous témoignons, préalablement, notre profonde reconnaissance et notre estime, ainsi que la sincère gratitude des réfugiés infortunés.
Dr. S. Daneff
Président de la société de la Croix-Rouge

Mgr. Stéphan, archevêque de Sofia
Président du Comité Exécutif de secours aux réfugiés

Sotir Veltscheff
Secrétaire du Comité

Dr. St. Vateff, professeur,
Trésorier du Comité

Dr. Bogdan Tschavoff et Al. D. Kiroff,
Membres du Comité
Empfohlene Zitierweise
Danev, Stojan Petrov, La question des réfugiés en Bulgarie. Société bulgare de la Croix-Rouge, Section du Comité Exécutive de Secours aux réfugiés, Sofia vom 25. November 1925, Anlage, in: 'Kritische Online-Edition der Nuntiaturberichte Eugenio Pacellis (1917-1929)', Dokument Nr. 14548, URL: www.pacelli-edition.de/Dokument/14548. Letzter Zugriff am: 24.11.2024.
Online seit 24.06.2016, letzte Änderung am 26.06.2019.