Dokument-Nr. 18916

Kuzmin-Karavaev, Dimitri Wladimirowitsch: Quatrième rapport sur la pastoration des émigrés russes à Berlin. Berlin, 12. Juni 1928

Son Excellence Monseigneur Pacelli, Nonce Apostolique de Berlin, m'a fait part des expressions réconfortantes et bienveillantes, avec lesquelles Son Eminence le Cardinal Sincero daigna honorer mon travail modeste. J'ai été profondément touché tant par cette appréciation gracieuse que tant par la complaisance avec laquelle Son Excellence Msgr. Pacelli avait daigné de me faire sans délai part de cette joyeuse communication. Je me permets donc de présenter à la Congrégation Orientale mes plus sincères remerciements pour ce réconfort et je profite de cette occasion pour renouveler l'assurance de mon dévoument [sic] profond ainsi que la promesse de travailler de mon mieux, afin de ne point abuser de la confience [sic] qui m'est exprimée. Plus qu'aucun autre je me suis conscient de mes défauts ainsi que de toutes les difficultés qui se présentent à l'Oeuvre de l'Apostolat Russe. Dans mon travail je ne puis compter qu'à l'aide de Dieu ainsi que le soutien de mes supérieurs, de sorte que j'étais
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tout plein de joie et d'affection filiale en entendant de la part de Son Excellence Msgr. Pacelli les paroles si bienveillantes.
Conformément aux fois précédentes je me permets de donner par le présent un aperçu de mes travaux depuis mon dernier rapport du 24 mars.
I. Services religieux
a)  Offices de la Semaine Sainte.
Grâce à l'amabilité de Msgr. Lichtenberg, curé de la paroisse du Sacré-Coeur de Charlottenburg, j'avais eu la possibilité de célébrer les services religieux de la Semaine Sainte dans l'Eglise du Sacré – Coeur assisté d'un choeur russe. La nécessité d'être économique à un point possible m'avait obligé de restreindre le nombre des services avec l'assistance du choeur russe à deux, notamment le vendredi saint (exposition de la "platschanitza") et la nuit de Résurrection. Msgr. Lichtenberg avait eu la bonté de faire de la chaire mention de ces services et d'inviter ses paroissiens à y assister, en plus les dits services ont été annoncés dans le journal catholique de dimanche de Berlin ainsi que dans le journal russe "Rul". Aux deux services ont été présent près de 200 personnes: des catholiques allemands ainsi que des Russes, orthodoxes et catholiques. Pour ceux derniers on avait selon la coutume russe présenté après la messe solenelle [sic] un petit repas composé de plats russes traditionels [sic].
Les frais se rapportant à la fête de Pâques sont les suivants frais du choeur pour le service du vendredi = 50 marks, frais du choeur pour le service de la nuit sainte: fête de résurrection et messe solenelle = 75 marks, frais de décoration de la platschanitza, cierges etc = 16 marks, frais du repas = 34 marks, en Somme = 175 marks.
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A cette occasion je dois relever le fait que le directeur du Caritas-Verband Rév. Wienken avait fait don de 20 Mk. Pour les dites dépenses de Pâques.
Au sujet du choeur je suis obligé de communiquer que les pourparlers avec le choeur catholique ucrainien, mentionnés dans mon rapport du 24 mars n'avaient à mon regret aboutit à aucun résultat, de sorte que j'avais été oblige de m'adresser avec permission de Son Excellence le Nonce Apostolique à un choeur russe orthodoxe. Un péril de scandale avait pu être évité, le choeur n'ayant point été reconnu par les assistants ni même été visible à eux, en plus je m'avais personellement abstenu de toutes communications à ce sujet.
Autant que j'en peux juger l'impression produite par les services religieux avait été très favorable, spécialement entre les Allemands, qui avaient assiste avec grande piété à ces services longs et innacoutumés [sic]. De leur part j'avais entendu beaucoup des expressions flatteuses, en plus Msgr. Lichtenberg avait fait dans la première réunion du clergé catholique de Charlottenbourg, suivante les fêtes de Pâques, officiellement fait 1 des éloges de la grande piété avec laquelle le choeur russe avait chanté au cours des services.
Les impressions des Russes n'ont pas été conformes les uns aux autres. Quelques uns m'avaient fait le reproche de ce que la pureté du style n'avait pas été observée: il manquait une iconostase, les enfants du choeur prenant part à la procession portaient des habits latins, et d'autres reproches semblables. Mais en même temps il a eu aussi des Russes pour lesquels cette diversité avait été une preuve visible de l'Unité de l'Eglise malgré la diversité des rites. Quand à moi je suis entièrement de l'avis de ces derniers et je dois avouer que ces services religieux avaient fait une impression inoubliable sur moi. Il m'a été une joie spéciale de voir que grâce à
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l'unité de l'Eglise et la largeur de la politique romaine j'ai la possibilité de célébrer suivant les règles de mon rite dans une église d'un rite différent et de sentir en offrant ce sacrifice l'unité mystique des assistants malgré leur différence historiques.
b)  sacristie.
Ma sacristie encore bien modeste s'est enrichie dans ce dernier temps par une grande image de St. Nicolas, très bien peinte. Un peintre russe m'ayant demandé avant Pâques un secours en argent, j'avais pensé plus pratique de lui faire une commande, dont il s'était acquitté avec joie. Son honoraire comporta 45 marks.
II. Conversions.
Depuis mon dernier rapport j'avais eu la joie de recevoir dans l'Eglise Catholique deux personnes, Mr. Ter-Martirossian et Mme Ritter.
La conversion de Mr. Ter-Martirossian a été très édifiante par son origine. Le convertit lui-même avait appartenu à la confession arméno-grégorienne, sa femme était luthérienne, les enfants visitaient l'école catholique. La fille aînée avait été reçue dans l'Eglise catholique l'année passée. Ses parents n'avaient eu point d'objections à faire et avaient même régulièrement fréquenté eux-mêmes les services religieux catholiques, ils ne cachaient point leur sympathie envers l'Eglise catholique. Le fait que l'année présente la fille cadette devait recevoir sa première Ste Communion dans l'Eglise Catholique me donna l'occasion de faire comprendre à Mr. Ter-Martirossian que son prédilection pour l'Eglise Catholique et sa foi en son infallibilité [sic] dogmatique peuvent devenir dangereux pour le salut de son âme, en cas qu'il persiste à n'en pas tirer les conséquences nécessaires. Dieu soit loué, il m'a été possible de voir mes persuasions porter leurs
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fruits: in dominica in albis Mr. Ter-Martirossian et sa femme reçurent leur première Ste Communion dans l'Eglise Catholique. Leur préparation avait été entreprise par l'archiprêtre Kayser, curé de la paroisse de Hermsdorf, la distance de Berlin à Hermsdorf étant quand-même trop Grande pour que le soussigné eu pu s'en charger. J'avais donc du me contenter de quelques conversations détaillées entre autre au sujet de l'histoire de l'Eglise Orientale et la position de l'Eglise romaine au rite oriental. J'avais aussi la veille de la dominica in albis reçu sa confession.
La réception de Mme Ritter eut lieu le 26 mai, après une préparation assez longue. Elle semble être vraiment pieuse et j'espère qu'elle fera une bonne catholique. Sa sympathie pour l'Eglise catholique date encore de son séjour à Paris. Une preuve pour la bonne volonté et la piété de Mme Ritter peut former le fait suivant: étant veuve de son premier mari et voulant quitter la Russie soviétique, où elle avait passé plusieurs mois emprisonnée sous menace d'être fusillée, elle épousa un citoyen letton Mr. Ritter et pu ainsi en qualité de sa femme passer à l'étranger. Ce mariage n'avait été conclu que devant les autorités civiles et rien qu'en apparence; aussitôt après l'arrivée à l'étranger les époux se séparèrent et ne se sont point revus depuis. Mme Ritter était de l'opinion qu'un tel mariage civil ne contient point des obligations; du même avis est d'aillieurs [sic] aussi l'Eglise orthodoxe. Mais le Consistoire de Breslau, auquel l'évêque auxiliaire de Berlin Msgr. Deitmer avait conformément à ma demande présenté le dit cas, expliqua qu'un mariage contracté par les dissidents devant les autorités civiles est à considérer comme valide jusqu'à ce que son illégalité ne soit prouvée pour fait de ex defectu consensus ou d'autres causes. Mme Ritter reçut cette explication avec la résignation nécessaire; actuellement elle a l'intention de faire un procès cano-
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nique pour fait d'annulation de son second mariage.
Au sujet des dames Bulgak et Hoffmann, qui selon la communication de mon rapport précédent avaient commencé d'assister à un cours d'instruction religieuse, je dois communiquer qu'actuellement elles ont interrompu cette instructions étant obligées de forcer leur travail: voulant passer au Brésil, elles ont besoin de quelques économies, ce qui les prive de tout temps libre. D'autre part je dois dire que des raisons de précaution, fondées en tant sur les impressions personelles [sic] que sur les informations reçues ne me permettent point de hâter la conversion de ces dames. Il va sans dire qu'aussitôt après une demande de leur part je recommencerai l'instruction religieuse, mais je ne les recevrai point avant d'avoir gagné une entière persuasion de leur sincérité et l'absence de toutes causes d'intérêt matériel.
Au cours du dernier temps il m'a été possible de fonder un petit groupe de jeunesse russe (au nombre de 5 personnes), auquelles [sic] j'ai commencé d'expliquer systématiquement l'essence de la dogmatique catholique. Mes auditeurs nouveaux: 4 orthodoxes et 1 protestants ont jusqu'à présent selon leur aveu sincère été loin de l'Eglise. Conformément donc à notre accord je vais vouer nos conversations plus aux questions de l'apologie générale qu'à une explication des différences entre le Catholicisme et l'Orthodoxie. En m'abstenant encore des jugements définitifs sur les résultats de ces conférances je crois néanmoins pouvoir dire déjà que sinon pour tous, au moins pour quelques uns d'eux le retour vers l'Eglise sera en même temps une conversion au Catholicisme. En plus, je compte pouvoir profiter des vacances d'été et de l'usage berlinois de faire des excursions en dehors de la ville ("Ausflug"), afin de faire de longues promenades avec ceux des
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étudiants, qui reçoivent une aide matérielle de la part du Caritas-Verband.
III. Travaux apologétiques.
a)  Conférences.
Depuis mon dernier rapport j'ai fait deux conférances, la première le 29 mars ayant pour thème "La question judaïque selon l'apôtre Paul" (Epître aux Romains, chapitre 9, 10 et 11), et la seconde le 10 mai avec le thème "L'Orient et l'Occident auprès du thrône [sic] de la Ste Vierge". A la première de ces conférances assistèrent 40 personnes, à la deuzième près de 20.
En choisissant le premier thème j'avais pris en considération le fait que parmi la colonie russe de Berlin les tendances antisemitiques croissent de plus en plus, ainsi que le fait que depuis l'arrivée à Berlin du monarchiste russe bien connu Markoff II les débats sur des questions judaïques se sont accrus. Tout en se gardant de prendre part à ces conversations et ces débats tant qu'ils ont un charactère [sic] politique, je fus en même temps inquiété de voir que sous le voile de l'antisémitisme des jugements protestants ou même hérétiques au sujet du soi-disant entier contraste entre l'ancien et le nouveau Testament, la descendance arienne du christianisme et toutes les autres questions se rapportant au judaïsme, capables de scandaliser les croyants pénètrent de plus en plus dans les milieux russes. En considération de ces faits j'avais cru être mon devoir de rappeler à mes auditeurs la doctrine de l'Eglise et les traditions patristiques et de leur montrer de quelle manière les chrétiens fidèles doivent se penser la question du destin d'Israel.
Le thème de ma seconde conférance avait été choisi pour but d'unir en quelque sorte mes auditeurs à la vie de l'Eglise catholique
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qui voue le mois de mai à la vénération de la Mère de Dieu. Au cours de la conférance j'avais expliqué aux assistants que dans tous les cas, où nous avons rapport à la vie surnaturelle il ne peut être question d'un contraste entre l'Orient et l'Occident, mais qu'au contraire, on y constate une collaboration mutuelle. J'avais illustré cette pensée par des exemples pris de la Mariologie catholique, se référent de la même manière aux témoignages des Pères de l'Eglise orientaux et occidentaux.
Actuellement au temps de vacances j'ai interrompu mes conférances, mais je compte les recommencer en automne, s'il plaise à la Congrégation Orientale de me laisser à Berlin, en leur donnant un caractère plus systématique et en les bornant à des questions de l'histoire de l'Eglise universelle en générale et de l'histoire russe spécialement provoquant le plus des attaques contre l'Eglise Catholique ou pouvant déformer les principes apologétiques.
b)  Collection de matériaux apologétiques.
Les travaux mentionnés dans mon rapport du 24 mars concernant la formation d'une collection des matériaux apologétiques ont été continués de la même manière. Actuellement nous possédons 181 extraits, dont les suivants sont nouveaux:
Les origines de l'état russe 33 extraits
Rome et la Russie 15 extraits
Moscou et Byzance 3 extraits
L'Orthodoxie moscovite 4 extraits
L'inquisition du Moyen-Age 8 extraits
L'héresie des Judaisants russes 1 extraits
Le grand nombre des extraits sous la rubrique "Les origines de l'état russe" s'explique par le fait que je compte de vouer mes conférances de l'année académique suivante à cette question, si étroitement liée à la question des influences mutuelles de l'Occident et de l'Orient sur l'histoire russe.
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c)  bibliothèque.
Depuis mon dernier rapport du 24 mars il m'a été possible de poser le fondement actuellement encore bien modeste d'une bibliothèque catholique russe pour l'usage des catholiques ainsi que de tous ceux qui s'intéressent à la dogmatique catholique et à la vie religieuse russe en général. Actuellement la petite bibliothèque contient 75 oeuvres différentes; elle se compose des livres que j'ai apporté de Rome et que j'y avais acheté grâce aux moyens octroyés par la Congrégation Orientale, ainsi que des livres que j'ai acheté à Berlin même grâce aux larges moyens mis à ma disposition, dont je présente encore une fois mes sincères remerciements; elle contient des livres en langues française, allemande, russe et latine. Autant que j'en ai l'occasion j'achète des oeuvres de dévotion pour les besoins de mes paroissiens ainsi que des oeuvres plus scientifiques pouvant être utiles pour mes travaix [sic] ainsi que ceux de mes successeurs.
A cette occasion je dois faire mention reconnaissante de la grande largesse du Rév. Mr. Wienken, directeur du Caritasverband, ayant acheté des moyens du Caritasverband et mis à ma disposition deux éditions russes rares, ne se trouvant même point dans la bibliothèque d'état de Berlin, dont le prix surpassait mes moyens. Ces deux oeuvres sont: Prof. Goloubinsky "L'histoire de l'Eglise russe" édition complète, 5 volumes, et Schachmatow": "Recherches sur les chroniques russes antiques."
IV. Entretien de bons rapports avec les Russes orthodoxes.
Depuis mon dernier rapport je n'ai pas eu l'occasion de causer officiellement ni avec l'évêque Tychon ni avec les autres représentants du clergé orthodoxe. Mes rapports avec l'évêque s'étaient ornés à des courtes rencontres dans deux ou trois réunions russes officielles
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ainsi qu'à un petit service que je lui avait rendu en recommandant un de ses connaissants [sic] en grande nécessité à la bienveillance du Rév. P. Theodore Strotmann à Prague. A Pâques je m'avais abstenu de rendre à l'évêque Tychon une visite et je dois dire que quelques démarches hostiles de plusieurs de ses paroissiens, démarches qu'il approuve, autant que j'en peux juger, m'obligent à une restriction soignée.
Par rapport à la colonie russe de Berlin j'essaye autant que possible d'aggrandir [sic] mes connaissances, tout en observant les règles mentionnées dans mes rapports précédente, notamment l'observation complète d'une entière impartialité politique; je continue mes visites régulières des milieux russes monarchistes et républicains. Je crois devoir relever qu'une conversation que j'ai eu au dernier temps avec le Prof. Iassinsky, recteur de l'Institut Scientifique Russe à Berlin, une personne possédant une grande influence à Berlin, m'a prouvé que ma position dans la colonie russe s'est encore affermie et les relations que j'ai avec le général Lampe, président de la Société des officiers russes, font preuve de ce qu'on commence à Berlin à prendre égard à mes opinions.
Pour conclure je dois remarquer que le séjour à Berlin de Sa Grandeur Msgr. O'Rourke, évêque de Danzig, n'a laissé chez les Russes, catholiques ou orthodoxes, que des meillieures [sic] et bienfaisantes impressions. Msgr. O'Rourke avait assisté à ma conférance du 10 mai; il m'a été un grand réconfort d'entendre l'opinion élogieuse qu'il a eu de mes pensées y exposées. Au cours de sa conversation avec moi Msgr. O'Rourke exprima son souhait de voir à Berlin la fondation d'une chapelle russe du rite oriental. Je m'occupe actuellement d'élaborer quelques projets préalables. Conformément aux indications reçues de Son Excellence Msgr. Pacelli, Nonce Apostolique, je pense d'envoyer
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à Sa Grandeur Msgr. O'Rourke, évêque de Danzig, afin de les présenter ensuite avec l'opinion de Sa Grandeur à la disposition de la Congrégation Orientale.
D. Kuzmin Karawajew
1Hds. vermutlich vom Verfasser gestrichen.
Empfohlene Zitierweise
Kuzmin-Karavaev, Dimitri Wladimirowitsch, Quatrième rapport sur la pastoration des émigrés russes à Berlin, Berlin vom 12. Juni 1928, Anlage, in: 'Kritische Online-Edition der Nuntiaturberichte Eugenio Pacellis (1917-1929)', Dokument Nr. 18916, URL: www.pacelli-edition.de/Dokument/18916. Letzter Zugriff am: 02.05.2024.
Online seit 20.01.2020.