Dokument-Nr. 2845

Belgique et Vatican, in: Étoile Belge, 12. Februar 1919
En remettant, il y a quelques jours, au Roi Albert, les lettres qui l'accréditent, le nouveau nonce apostolique a prononcé un discours dont nous détachons le passage suivant :
Mon auguste souverain le pape Benoît XV m'a donné l'honorable mandat de dire à Votre Majesté la grande joie qu'a fait éprouver à son cœur paternel la libération de la Belgique, la spéciale prédilection qu'il a vouée à ce noble pays, pour lequel il a fait tout ce qui était en son pouvoir. Le Roi le sait, Sa Sainteté n'a rien négligé pour adoucir les souffrances du peuple belge, pour obtenir la libération des prisonniers et des déportés, pour sauver la vie des condamnés à mort, réclamant avant tout et in incessamment l'entière indépendance du royaume de Belgique et la réparation de toutes les injustices de tous les dommages que la guerre lui a fait subir.
Maintenant que les empires de proie de l'Europe centrale sont définitivement vaincus, le pape se range résolument du côté du droit. Il voudrait faire oublier son attitude passée. Malheureusement les faits sont là. Quand la Belgique était meurtrie et pantelante, que les Allemands pillaient et massacraient, n'épargnant pas les prêtres catholiques, le pape n'a pas trouvé un seul mot de réprobation. C'était cependant le moment ou jamais de manifester cette prédilection qu'il dit éprouver spécialement pour notre pays.
La seconde année de la guerre, Benoît XV accorda une interview à un journaliste catholique français, M. Letapie, conseiller municipal réactionnaire de Paris et collaborateur au journal clerical La Liberté.
Le pape ayant dit qu'il réprouvait toute injustice, de quelque côté qu'elle ait été commise, mais qu'il ne serait ni convenable ni utile d'engager l'autorité pontificale dans les litiges mêmes des belligérants, son interlecuteur observa : Très Saint-Père, il ne s'agit pas de litiges, mais de crimes.
5v
Ce qui lui valut cette réponse :
Vous voudriez que je flêtrisse chaque crime en particulier? Mais chacune de vos accusations amène une réplique de la part des Allemands. Et je ne veux pas institreer ici un débat permanent , ni faire en ce moment des enquêtes.
Notez que le pape avait entendu le cardinal Mercier. En toute autre occasion, l'affirmation d'un prélat catholique serait pour lui décision. Mais comme elle était en contradiction avec les dénégations de ceux qui étaient accusés par le cardinal belge d'avoir fusillé de nombreux prêtres, elle n'avait plus pour le pape de valeur probenie.
Et quand M. Letapie objecta:
Est-il besoin d'enqêter pour savoir que la neutralité de la Belgique a été violée?
Benoît XV fait cette réponse stupéfiante:
Ce'était sous le pontificat de Pie X.
Ce qu'il dit ensuite est à peine moins déconcertant.
N'est-il pas connu de tous, a demandé M. Letapie, que de nombreux prêtres ont été pris en otages, en Belgique et en France, et fusillés?
Le fait est prouvé et, nous l'avons dit, le pape en a eu connaissance notamment par le cardinal Mercier. Croyez-vous qu'il s'est indigné? Pas un mot de simple blâme; il s'est contenté de répondre que les Russes et les Italiens avaient pris aussi des prêtres catholiques en ôtages.
Et l'incendie de Louvain? Et le bombardement des églises?
A continué impitoyablement M. Letapie, Voici la réponse textuelle du pape :
Les Allemands répondent qu'on a tiré sur leur troupes. Ils ont déclaré qu'il y avait «un observatoire» sur les tours de la cathédrale de Reims.
C'est-à-dire que le pape se chargeait lui-même d'excuser et de justifier les Allemands. Et il ajoute encore:
6r
Le Vatican n'est pas un tribunal. Nous ne rendons pas des arrêts. Le juge est en haut.
Il faut, pour savourer cette réponse, se rappeler l'énergie et la véhémence avec lesquelles le Vatican est toujours intervenu dans tous les cas où des violences ont été commises contre des religieux ou des monuments du culte catholiques. Mais c'était sous ses prédécesseur …
A plus forte raison se désintéresse-t-il du sort des simples laics. Aussi quand le journaliste catholique lui dit:
Et le Lusitania? Il ne s'agit plus des belligérants. Ce sont des neutres, ce sont des innocents qui ont payé de leur vie…
Le pape répond :
Je ne connais pas de plus affreux forfait. Quelle désolation de voir notre génération en proie à de telle horreurs! J'ai le cœur d'un père. Et ce cœur est déchiré. - Mais croyez-vous que le blocus qui étreint deux empires, qui condamne à la famine des millions d`êtres innocents, s'inspire aussi de sentiments bien humains?
Il ne pouvait pas ne pas déplorer la perle du transatlantique. M Gasparri affirme d'ailleurs qu'il s'est borné à la regretter sans la qualifier de forfait. Mais aussitôt, pour atténuer la responsabilité des Allemands, il reprend pour [son compte] l'explication justificative de
Empfohlene Zitierweise
Anlage vom 12. Februar 1919, Anlage, in: 'Kritische Online-Edition der Nuntiaturberichte Eugenio Pacellis (1917-1929)', Dokument Nr. 2845, URL: www.pacelli-edition.de/Dokument/2845. Letzter Zugriff am: 28.12.2024.
Online seit 04.06.2012, letzte Änderung am 01.09.2016.