Dokument-Nr. 2960

Heylen OPraem, Thomas Louis: [Kein Betreff], August 1918

Confidentiel
I. Colonie Italienne de Libramont.
Les prisonniers Italiens renfermés dans la camp de Libramont sont actuellement au nombre de quatre cents.
Situation matérielle.
Au début, ils ont été fort maltraités; mais, depuis quelque temps, leur malheureux sort semble s'être amélioré. Leurs gardiens ne les rudoient et ne les frappent que rarement. Tous sont employés pendant sept heures par jour aux travaux de la gare. Un seul, plus riche que les autres, est exempt de toute corvée en dehors du camp. Ils reçoivent parfois la visite du médecin allemand. La plupart reçoivent régulièrement d'Italie des paquets contenant du riz, des pois, des haricots, du macaroni; ce qui, avec les 600 grammes de pain et le litre de soupe qu'ils reçoivent chaque jour, leur rend l'existence, au point de vue matériel, assez supportable.
Les prisonniers correspondent assez fréquemment avec leurs familles et en reçoivent assez souvent des nouvelles. Une vingtaine d'entre eux cependant ne reçoivent jamais rien de la Patrie, ni paquets de vivres, ni lettres, ni nouvelles de leurs familles, parce que celles-ci sont comprises dans la zone de feu: ceux-là sont vraiment malheureux et dignes de pitié.
L'habillement laisse beaucoup à désirer: une seule chemise, une veste, un pantalon, le tout en lambeaux, voilà tout leur trousseau.

Situation religieuse.
Au point de vue religieux, leur situation est plus lamentable encore. Une seule fois depuis quatre mois, ils ont reçu la visite d'un prêtre autrichien parlant l'italien, et ils ont pu se confesser. Tous sont catholiques et seraient désireux d'assister aux offices de l'Eglise, mais jamais on ne leur permet de sortir du camp et on les force à travailler, tous les dimanche, jusque vers 2 ou 3 heures. Comme le camp est suffisamment vaste, il serait à souhaiter qu'on pût y dresser un autel et qu'un prêtre, connaissant l'italien, pût y venir, de temps en temps, célébrer la S. Messe, prêcher, confesser, communier. Plusieurs parlent français, suffisamment du moins pour se faire comprendre; et, si la consigne n'était pas di sévère, il serait facile au prêtre, en les visitant de temps en temps, d'exercer auprès d'eux un ministère aussi fructueux que consolant.
Les malades, m'a-t-on dit, ne sont pas soignés au camp, mais dirigés de suite sur Namur, où plusieurs sont déjà morts à l'hôpital. Bien que leurs gardiens du moment, soldats autrichiens, soient catholiques pour la plupart, ils ne semblent
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guère se soucier de procurer à ces pauvres prisonniers, même sur le point de mourir, les suprêmes consolations de la Religion.
Bref, chez ces pauvres exilés, le côté spirituel laisse encore plus à désirer que le côté matériel, et certes ils voueraient une reconnaissance éternelle à celui qui aurait assez d'influence pour obtenir des autorités supérieures un petit adoucissement à leur malheureux sort.

II. Colonie Italienne de Halanzy e de Musson
Situation religieuse.
La camp de Halanzy contient cent onze prisonniers, celui de Musson soixante. Le camp de Halanzy dépend hiérarchiquement de celui de Musson.
Au point de vue spirituel, ces prisonniers sont, dans toute force du terme, des âmes abandonnées. Au temps de Pâques seulement, ils on reçu la visite d'un aumônier militaire s'exprimant en leur langue; en dehors de cette circonstance, jamais ils n'ont pu assister à la S. Messe ni recevoir les Sacrements. Les meilleurs d'entre eux sont navrés de cette situation. Plusieurs prêtres, entre autre un religieux italien, ont fait démarches sur démarches en vue d'obtenir l'autorisation d'exercer auprès d'eux leur saint Ministère: les chefs allemands la leur ont toujours refusée.

Situation matérielle.
Le dénuement de ces prisonniers est en rapport avec leur détresse morale. Les témoins les plus dignes de foi sont unanimes à dire que, lors de leur arrivée, ils se traînaient à peine; ils n'étaient presque plus des hommes, exténués, pâles, affreusement maigres. L'état de la plupart ne s'est guère amélioré. Jouissent d'une santé un peu plus satisfaisantes ceux-là seulement qui ont pu profiter plus souvent de secours clandestins. Durant l'hiver, beaucoup on dû être portés à l'hôpital de Virton.
Leur régime alimentaire est insuffisant. Aux repas, on leur sert une écuelle de brouet noir et répugnant où flottent quelques morceaux de pain et débris de légumes. Les paquets, envoyés d'Italie à leur destination, ne leur parviennent pas. Au commencement de juin dernier, est arrivé à leur adresse un wagon de paquets: à peu près tout le contenu en a été retenu par les autorités militaires de Musson. Pour sauver le principe, on a remis du pain à un certain nombre de prisonniers et à d'autres, … le papier d'emballage! Les conserves, les fruits ont été servis sur la table des chefs et des soldats allemands ou envoyés en Allemagne aux familles de ces derniers.
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Bon nombre d'infortunés prisonniers n'ont donc jamais rien reçus d'Italie. D'autres ont eu une fois un paquet de pain. L'un ou l'autre seulement a reçu plusieurs paquets.
Quelques âmes charitables ont voulu faire des vivres aux prisonniers, par l'intermédiaire d'officiers ou de soldats allemands. Ces vivres ont passé, en grande partie, au mess de ceux-ci ou à leur cantine, puisque rien n'est arrivé au réfectoire des prisonniers. Aussi, ces derniers ont exprimé leur vif désir de ne plus voir se renouveler pareilles charités. Seuls ont réussi les donateurs clandestins. C'est peut-être grâce aux ruses de la charité que les prisonniers n'ont pas vu des leurs mourir de faim. Parfois même ils ont dû recourir à la violence pour s'emparer de ce qui leur était destiné: un jour, pour amener dans le camp deux voitures de rutabagas, ils saisirent la sentinelle à la gorge; ce qui leur valut à tous cinq jours de punition.
Les prisonniers occupent, à Halanzy, des baraquements en planches, à Musson, la maison d'école. Ils sont couchés sur de la paille, sans paillasse, en des lits superposés. Les locaux sont trop exigus, ils sont loin d'offrir deux m. c. par occupant.
Plusieurs manquent de souliers et n'ont, en fait de bas, que des chiffons en lambeaux, dont ils s'entourent les pieds. Plusieurs aussi sont habillés de loques.
Leur travail principal consiste à démonter les usines de Halanzy et de Musson. On les emploie à ces gros travaux malgré leurs forces défaillantes, aussi les accidents ne sont pas rares. Assez souvent, ils sont battus par leurs gardes.
Détail navrant: parmi ces ouvriers loqueteux et misérables, se trouvent des hommes appartenant aux classes aisées. Ainsi, par ex., il y a parmi eux un des plus grands hôteliers de Rome, connu de S. E. le Cardinal Merry del Val et de plusieurs hauts personnages du Vatican; parmi eux encore un avocat de Rome, dont S. E. le Cardinal Secrétaire d'Etat a demandé des nouvelles, par l'entremise du Nonce de Muniche.
La solde de ces ouvriers est de trente centimes par jours.
Quant à la correspondance des prisonniers, il est à regretter que les réponses de leurs familles leur parviennent rarement. Plusieurs même restent longtemps sans nouvelles.
Si au moins, ils pouvaient se plaindre de leur sort à qui de droit ou à qui serait en mesure de les aider; mais, ils sont dans la crainte ou de voir leurs lettres de réclamation arrêtés ou de s'attirer des punitions et des représailles.
L'auteur de cette enquête a recueilli de leur bouche les paroles suivantes: "Nous sommes au milieu d'une population qui nous témoigne une grande sympathie, nous en sommes vivement touchés. En notre qualité de catholiques italiens, nous voudrions leur donner l'exemple, en assistant aux offices, mai, hélas! nous n'avons pas de prêtre qui vienne à nous." Et encore: "Si Dieu nous donne de rentrer dans notre Patrie, nous ne cesserons de répéter à quel point la population belge a été bonne pour nous!"
Fol. 44r: Hds. eingefügt unterhalb des Textes von unbekannter Hand: "Rapports transmis à Mgr. L'Evêque de Namur, en août 1918."
Empfohlene Zitierweise
Heylen OPraem, Thomas Louis, [Kein Betreff] vom August 1918, Anlage, in: 'Kritische Online-Edition der Nuntiaturberichte Eugenio Pacellis (1917-1929)', Dokument Nr. 2960, URL: www.pacelli-edition.de/Dokument/2960. Letzter Zugriff am: 19.04.2024.
Online seit 17.06.2011.