Dokument-Nr. 4030
Crooy, Amédée Marie Léon an Benedikt XV.
Tournay, 24. November 1917
Je remplis un pénible devoir, en informant Votre Sainteté des profanations commises par l'armée bavaroise dans nos églises, les 14 Novembre dernier. Dans les régions des étapes, c'est à dire environ le tiers de mon diocèse, des soldats se sont présentés, à 8 heures du matin dans les Eglises et les Couvents.
Ils ont fait cesser les offices, ils ont fait évacuer les églises, et parfois ils ont forcé le prêtre à l'autel d'interrompre la Sainte messe.
Puis ils ont tout fouillé, ils ont soulevé les pierres d'autel, ils ont parfois brisé les autels. Certains objets du culte ont été enlevés, d'autres ont été consignés.
Dans des nombreuses églises, ils ont forcé le curé d'ouvrir le Tabernacle, et à leur montrer le contenu de Sainte Ciboire. Même, dans un couvent de religieuses à Tournay, l'officier a osé lui même enlever le Ciboire du Saint Tabernacle, pour voir ce qu'il contenait, parce que la religieuse qui l'accompagnait s'y refusait.
Chez plusieurs curés ou dans les couvents on a enlevé de l'argent, des valeurs. Je crains que plusieurs de mes curés ne soient condamnés parce qu'on a trouvé dans leurs églises des objets prohibés, déposés par des étrangers dans les greniers ou les clochers.
Dans les couvents, même cloîtrés, des nombreux soldats ont pénétré, tandis que ces pauvres sœurs étaient à leur merci.
90r
J'ai déjà adressé à l'autorité militaire une protestation qui a eu quelques bons effets, mais nous sommes toujours exposés à des nouvelles vexations.Cette journée du 14 Novembre a été pour mon cœur d'Evêque, une des plus tristes depuis la guerre. Ces profanations du Très Saint Sacrement nous ont laissé une bien pénible impression.
Nous souffrons beaucoup, Très Saint Père, dans cette partie de la Belgique. Malheureusement notre population peu croyante s'éloigne de plus en plus de l'Eglise, et l'Evêque de Tournay est réduit à l'inaction, car il est privé de communication avec presque tout son diocèse.
Au mois d'octobre dernier, après cinq mois de démarches, j'ai obtenu enfin un passeport, me permettant de quitter pendant dix jours ma ville épiscopale, pour conférer la Confirmation aux enfants de quelques localités.
C'est un début d'épiscopat bien pénible, mais j'offre ces souffrances, en union avec celles de Votre Sainteté, au Dieu des Miséricordes, afin qu'il daigne accorder le pardon au monde coupable.
En sollicitant une bénédiction spéciale pour mon pauvre diocèse, et surtout pour mes prêtres, je Vous prie etc.
Am; M. Crooij
Evêque de Tournay