Dokument-Nr. 525

Reichsregierung: Mémoire sur les déportations d'ouvriers belges. Berlin, 28. Juli 1917

[Übersetzung]
Par l'entremise du nonce apostolique de Munich le Saint Siège a fait savoir qu'il s'intéressait vivement à la question des ouvriers belges déportés en Allemagne et à la population de la zone des étapes en Belgique et en France astreinte à un travail forcé au dehors du domicile. A ce sujet, le Gouvernement Impérial se permet de faire remarquer ce qui suit.
I.
En ce qui concerne la déportation de Belges en Allemagne, la situation de fait et de droit résulte des observations ci-jointes du 10°décembre 1916, dont le contenu a été communiqué, en son temps, à un certain nombre des Gouvernements neutres.
Le Saint Siège n'ignore pas sans doute, que, depuis, Sa Majesté l'Empereur et Roi, à la suite d'une pétition présentée par les cercles dirigeants de la Belgique occupée, a donné l'assurance que les personnes déportées à tort en Allemagne comme sans travail pourraient rentrer en Belgique sans délai, pour autant que cela n'avait pas encore été fait, et que les déportations en Allemagne de Belges sans travail cesseraient jusqu'à nouvel ordre. Il a été donné suite pleine et entière à cette assurance, même au-delà de sa teneur,
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puisque non seulement il n'y a plus eu depuis de déportations en Allemagne et que même tous les Belges qui ne s'étaient pas engagés par des contrats à travailler volontairement en Allemagne ont été renvoyés récemment en Belgique, de sorte qu'il n'y a plus en Allemagne d'ouvriers belges déportés en vue d'un travail forcé.
II.
1.°La population de la zone des étapes en Belgique et en France n'est astreinte à des travaux forcés que dans certaines limites et avec les restrictions fixées par le droit des gens. Le haut commandement a prévu pour ce travail les trois cas suivants:
a) Services des communes ou d'habitants pour les besoins de l'armée d'occupation, en tant que l'article°52 du Règlement de la Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur
terre permet d'exiger ces services. Les autorités militaires procèdent avec tous les égards
possibles et s'adressent, si faire se peut directement aux communes pour avoir le nombre
d'ouvriers nécessaire, de sorte que les communes sont libres dans le choix des ouvriers.
b) Réquisition des ouvriers sur la base des lois de prévoyance pour les sans-travail. D'après
l'article°43 du Règlement susvisé, les habitants capables de travailler mais sans travail qui reçoivent des secours sur les fonds publics
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et qui n'acceptent pas une offre de travail
qui leur est faite sont appelés à un travail forcé. Cette mesure est justifiée, ainsi qu'il
résulte des explications données dans les observations ci-jointes.
c) Réquisition d'ouvriers pour les travaux de nécessité urgente. D'après l'article°43 dudit
Règlement, la puissance occupante est non seulement autorisée à prendre toutes les mesures
nécessaires pour éviter à la population une situation qui serait une calamité publique,
elle est même tenue de le faire. Les travaux ordonnés à cet effet devront, bien entendu,
être exigés par les intérêts de la population, notamment tous les travaux ruraux à faire pour
l'alimentation de la population depuis la mise en culture jusqu'à la récolte, les travaux de
réfection des voies de communication nécessaires à la population, les travaux d'expédition du
bois et du charbon en vue de pourvoir la population du chauffage nécessaire.
2.°Le haut commandement, conformément à l'article°52 dudit Règlement, a ordonné en outre expressément qu'on n'exigera de la population aucune prestation qui entraînerait pour elle l'obligation de prendre part aux opérations de la guerre contre leur patrie. Il a exclu par exemple des services à exiger tous les travaux de fortification, de même, tout emploi de la po-
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pulation dans la ligne de feu est interdit.
3.°Il est naturel que, dans ces circonstances, il n'est pas toujours possible d'éviter toute déportation des ouvriers appelés à un travail forcé, 1'occasion d'un travail approprié pour les sans-travail n'existant pas toujours dans les communes d'origine et les travaux de nécessité urgente devant être souvent entrepris dans des localités a population indigène insuffisante; de même, il n'est pas toujours possible d'observer strictement les limites entre la zone des étapes des territoires belges et celle des territoires français, ces deux zones formant en général un tout administratif et devant être, par conséquent, traitées d'après les mêmes principes. Du reste, il ne semble pas qu'une séparation rigoureuse des deux zones réponde aux intérêts de la population, vu que, par exemple, la déportation dans une commune voisine au-delà de la frontière constitue pour la population une mesure beaucoup moins dure que le transfèrement dans une commune éloignée du pays même; en temps de paix également il y a eu une circulation notable entre les deux pays, en particulier de la Flandre vers la France.
4.°Le Gouvernement Allemand partage l'avis du Saint Siège que les déportations et les réquisitions forcées d'ouvriers sont indésirables en elles-mêmes et qu'il ne faut y avoir recours qu'en usant de tous les égards et de tous les ménagements possibles. D'un autre côté, il est non seulement admissible au
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point de vue du droit de réquisitionner la population à des travaux, dans les cas sus indiqués, mais une pareille réquisition répond aussi à l'intérêt bien entendu de la population. Le haut commandement a tenu largement compte des principes d'humanité et, en particulier, a mitigé les mesures à prendre autant que possible, de la manière suivante:
a) On n'aura recours que dans les cas de nécessité absolue à la réquisition de personnes que leurs profession n'a pas habituées à de grossiers travaux manuels; les ecclésiastiques ne seront réquisitionnés en aucun cas.
b) Dans la mesure du possible, les ouvriers devront être occupés dans le district de leur domicile ou du moins, dans le voisinage, de manière à éviter, autant que faire se peut leur transfer au-delà de la frontière franco-belge, sous la réserve des nécessités militaires et économiques visées au numéro°3. En outre, il est accordé aux ouvriers des congés suffisants pour leur permettre d'aller voir leurs familles, et la durée de ces congés se prolonge proportionnellement à la distance à parcourir jusqu'à leur domicile. Si les ouvriers sont employés dans une autre commune pour plus longtemps, il leur sera permis, autant que possible, de faire venir leur famille. Une correspondance hebdomadaire postale de lettres et de colis avec la famille
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a été prévue par les autorités allemandes.
c) Le travail forcé est rémunéré d'une manière appropriée, et on prend soin d'assurer un bon
logement, la nourriture, le traitement médical et de procurer aux ouvriers, pour les heures
libres, des jeux, des journaux et des livres. En cas de maladie et d'accident les ouvriers
ou leur familles reçoivent une large allocation.
d) Les secours religieux sont accordés régulièrement et partout aux ouvriers dans leur langue maternelle, le flamand et le français.
e) Pour infirmer, autant que possible, les attaques haineuses dirigées contre l'administration militaire au sujet du traitement accordé aux ouvriers belges, des délégués du conseil des Flandres auront l'occasion de visiter les colonies d'ouvriers et de se convaincre de la situation et des conditions dans lesquelles les ouvriers s'y trouvent.
f) Les ouvriers astreints au travail peuvent toujours se faire engager comme ouvriers volontaires. Dans ce cas, ils sont traités sur le même pied que ces ouvriers en ce qui concerne les salaires, la nourriture, le logement, la correspondance postale, le congé, etc. Le haut commandement fait son possible pour les décider à demander ce changement de leur situation en sorte qu'il n'y en a plus qu'une petite partie
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qui soient astreints au travail, tandis que la grande majorité des ouvriers travaille volontairement. Il ne dépend donc que de la bonne volonté de la population de faire disparaître complètement le travail forcé et il y a lieu d'espérer que ce but pourra être atteint.
Berlin, le 28°juillet°1917.
Empfohlene Zitierweise
Reichsregierung, Mémoire sur les déportations d'ouvriers belges, Berlin vom 28. Juli 1917, Anlage, in: 'Kritische Online-Edition der Nuntiaturberichte Eugenio Pacellis (1917-1929)', Dokument Nr. 525, URL: www.pacelli-edition.de/Dokument/525. Letzter Zugriff am: 29.03.2024.
Online seit 24.03.2010.