Dokument-Nr. 6326

[Bussche-Haddenhausen, Hilmar Freiherr von dem]: Traitements infligés aux prisonniers allemands dans les zones des opérations françaises, 30. März 1918

Les conditions générales de la vie matérielle et l'état sanitaire des prisonniers qui se trouvent en France dans les régions des opérations de guerre, ne se sont point améliorées au cours de l'année 1917. Les échanges successifs de prisonniers et de grands blessés nous éclairent sur l'abandon déplorable et les dangers sanitaires de militaires internés dans la zone des armées. Les échanges de prisonniers effectués en 1917 ont démontré que 10% des hommes qui retournaient dans leur pays n'avaient pas été échangés à la suite de blessures reçues sur le champ de bataille, mais à cause de graves maladies contractées dans la zone des opérations. Au mois de juillet dernier on devait constater à Constanz que les tuberculeux les plus gravement atteints qui nous avaient été renvoyés de France jusqu'à cette époque-là, avaient contracté cette maladie dans la zone des opérations par suite de refroidissements négligés. Des cas de congélation nécessitaient un nombre disproportionnellement élevé d'amputations, ce qui donne lieu à des réflexions très sérieuses.
La situation telle qu'elle se présente au camp de concentration de Souilly semble particulièrement apte à produire les graves inconvénients dont nous venons de parler. Les dépositions suivantes, dont chacune fut affirmée sous serment proviennent en partie de soldats, en partie de médecins. Les faits suivants: "En octobre 1916, 3-4000 hommes furent astreints à se tenir debout pendant des journées entières. Il nous fut guère possible de nous asseoir et nous passâmes la nuit debout. La terre était couverte de paille humide; je passai 3 jours dans cette grande tente; le sol y était humide." Et ce qui est le pire à Souilly c'est que les hommes sont obligés à se tenir debout dans un terrain boueux. Les prisonniers qui avaient eu les pieds gelés déclaraient avoir attrapé ces maladies dans la boue de Souilly."
Le soldat d'infanterie K., qui, après avoir passé deux nuits tout près du front dans un enclos fut transporté à Souilly et y resta pendant 6 jours consécutifs debout dans la boue. La grande tente, au milieu de laquelle se trouvait un véritable marécage, était en novembre 1916 un séjour affreux pour les prisonniers. L'une des descriptions les plus saisissantes fut faite par le soldat d'infanterie B., qui était devenu aveugle par suite d'une blessure: "Après mon arrivée au dépôt central, on me fit passer de l'automobile dans une tente. À en juger d'après le bruit que j'entendais, des centaines de personnes devaient se trouver dans cette tente. Je pouvais à peine me tenir debout, parce que j'avais un éclat d'obus dans le genou. C'était en vain que je demandai d'être pesé. Je m'assis dans la boue; quand je me levais; elle me montait jusqu'à mi-hauteur du mollet. Pendant deux jours je me trouvais dans cette situation."
Le médecin auxiliaire Dr. Z. rapporte que lui, qui avait été attaché à une unité sur le front depuis le début de la guerre n'a pas pu constater pendant toute cette période, autant de cas de congélation qu'à Souilly pendant une seule journée.
Concernant
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le dépôt central de Tricot, le soldat d'infanterie Sch. rapporte ce qui suit: "En décembre 1916, nous étions encore logés dans des tentes. Les hommes étaient tout à fait dépenaillés; beaucoup n'avaient que des chaussettes et point de souliers. Ils couchaient sur de la paille, il gelait la nuit, et pleuvait le jour, de sorte que leurs vêtements ne pouvaient pas sécher. A Tricot on nous avait mis dans des tentes qui étaient plantées dans de la boue épaisse et qui montaient jusqu'au genou. Le lieutenant en premier de la compagnie française No 35, semblait trouver cet établissement assez singulier, mais ne pouvait apparemment rien y changer. Nous passions les mois de février et de mars dans ces tentes. Beaucoup de prisonniers se faisaient porter malades à cause de leurs pieds gelés mais néanmoins on les envoyait travailler. Les plaintes que le Ministère de la guerre a portées à ce sujet, n'avaient point de résultat. Plusieurs médecins allemands ont fait les dépositions suivantes sur le dépôt central de Jonchéry: "Les cas de congélation augmentaient de jour en jour, de sorte que les prisonniers qui en n'étaient atteints se traînaient à quatre pattes pour se rendre aux lieux d'aisance. La proposition des médecins de leur venir en aide fut rejetée. Le service de quartier se faisait en plain air, les hommes y prenaient part le buste à découvert." – "La boue qui couvrait la place était si épaisse que nos bottes s'y embourbaient." Il est probable qu'un état de choses analogue prévaut encore actuellement dans de nombreux camps de concentration. Dans les enclos de prisonniers et aux dépôts centraux, la pitoyable nourriture vraiment causa beaucoup de cas de dyssenterie, et, plus tard, après la bataille de l'Aisne, en avril 1917, une véritable épidémie éclata à ce moment-là, une quantité de grands blessés se trouvaient parqués dans les enclos à l'arrière du front de l'Aisne. Même des officiers s'y trouvaient; on les soignait d'une façon tout à fait insuffisante. Le docteur Fr. dépose: "De grands blessés, frappés on pleine poitrine ou souffrant de graves lésions à la mâchoire et de blessures aux pieds, furent enfermés avec les autres prisonniers, après avoir été soignés d'une façon dérisoire. Les bandages étaient trempés la nuit par la pluie, et je ne pus obtenir la permission de les renouveler le lendemain matin !"
Sch. donne des détails sur l'établissement d'une compagnie de travailleurs dans une ferme de Lunéville à Noel 1916:
"Les hommes étaient logés en partie dans des écuries de chevaux et de moutons et en partie dans une grange. L'écurie de moutons avait des parois tressées en genêt, sur lesquelles le toit était posé. On y avait placé une centaine de prisonniers.
Dans l'écurie un peu de paille tenait lieu d'un plancher. Comme nous ne pouvions pas nous procurer des planches, nous étions réduits à coucher dans la boue, enveloppés d'une couverture. Le sol était humide et froid. Les hommes se chauffaient à un braséro suspendu au plafond. Ils préféraient ne pas se coucher afin de pouvoir se chauffer les mains à ce réchaud. Dans cette écurie un grand nombre de prisonniers contractaient des maladies. Un sergent-major que nous avons retrouvé plus tard au Mans nous a dit qu'un des hommes avait succombé à la suite d'une congélation et qu'un
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autre, frappé de paralysie, était resté muet. Moi-même j'avais le pied droit ainsi que l'orteil et le petit doigt du pied gauche gelés.
Quant à la compagnie de travailleurs P. G. 6., Sch. a adressé le compte-rendu suivant: "Les 425 hommes dont se composait ce détachement étaient couchés dans une grange sur une mince litière de paille. La grange se trouvait non loin du fleuve et l'eau affluait sous le plancher. Je passais une quinzaine de jours dans ce lieu, c'est-à-dire jusqu'au 18 janvier. Beaucoup de prisonniers qui y avaient été installées, devaient plus tard tomber malades. J'étais de ce nombre. A Livolles j'eus les pieds gelés. A l'infirmerie où je fus soigné, 4 hommes de ma compagnie étaient déjà morts. Dans la zone des armées, surtout dans celle qui se trouve derrière le front de la Somme, on fait un usage fréquent de baraques construites en roseaux dans le cas où les baraques de boit font défaut. Dans la région d'Amiens, ces baraques de roseaux remplacent aussi les tentes pendant l'automne de l'année 1916. Au milieu se trouvait un large passage, les élévations formées des deux côtés tenaient lieu de lit. Les hommes y dormaient sur une couche de paille. Le toit était soutenu par des troncs d'arbres entrecroisés, et maintenus par une traverse. La pluie suintait entre les troncs. Ajoutons que ces baraquements provisoires, qui n'avaient pas même été ménagés pour recevoir provisoirement les prisonniers des compagnies de travailleurs, leur seraient de logement pendant des mois entiers!
Les dépositions faites par F. montrent à quel état de pénurie se trouvait réduit l'habillement de nos hommes. C'est ainsi qu'à Tricot les soldats de la 5e compagnie de travailleurs n'avaient pas encore été pourvus de vêtements lors de leur arrivée à Rouen-Croisset en novembre de la même année: "On nous avait donné ni linge de corps ni chaussures. Nos hommes devaient traverser Rouen en savates d'infirmerie. Il tombait des giboulées de neige et de pluie. Les hommes s'étaient confectionné des casquettes avec la toile des sacs à sable. La plupart n'avaient pas de boutons à leurs uniformes. "Le caporal du service sanitaire K. déclare que, dans l'hiver de 1916, 42 hommes de la compagnie des prisonniers avaient été privés de leur solides bottes, en échange on leur avait délivré de mauvais souliers. Avec ces chaussures insuffisantes ils étaient astreints à aller travailler dans une carrière pendant tout l'hiver. Un assez grand nombre de ces prisonniers avait bientôt des pieds gelés; comme il leur était impossible d'aller à leur travail, on les maintenait en permanence enfermés dans le quartier, le baquet se trouvait dans la même pièce. Ils ne recevaient aucune nourriture à l'heure du dîner; ce n'est que le soir qu'on leur distribuait ¼ de litre d'aliments. Le sous-officier N. relate que les hommes de la 15e compagnie de travailleurs n'avaient pas même le temps de ranger leurs effets. Les poux pullulaient à tel point que beaucoup de soldats couverts de furoncles, devaient être renvoyés à l'infirmerie.
Le médecin auxiliaire Dr. Z. rapporte ce qui suit: "Un matin, en sortant de la baraque, je vis un soldat territorial bavarois à genoux devant le poste français. Il suppliait cet homme de le fusiller. L'infortuné était dans un état de maigreur extrême et avait les yeux injectes de sang. Il avait de la peine à se traîner. On l'avait complètement abandonné dans
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la baraque sans même se soucier de lui donner à manger. Plusieurs de ses camarades qui avaient voulu lui apporter un peu de nourriture avaient été battus, sous prétexte qu'ils réclameraient une seconde portion pour eux-mêmes.
D'après une déclaration faite par le lieutenant C., on avait procédé à Souilly à l'épouillement des hommes en plein air. (Décembre 1961) Après qu'ils se furent éloignés à 300 mètres de la douche, cette opération se fit de la manière suivante: On induisait les hommes de pétrole, puis ils devaient procéder à un lavage. Ensuite ils étaient obligés à regagner complètement nus, l'endroit ou se trouvaient leurs vêtements, qui avait été mis pendant cette intervalle dans la chaudière à désinfection et n'étaient pas encore entièrement secs. – Cet état de choses lamentable qui règne dans la zone des armées devait causer des épidémies sans nombre. Cent hommes sur les 300 que comptait la 51e compagnie furent transportés à l'infirmerie de Troyes en conséquence de la mauvaise alimentation.
Empfohlene Zitierweise
[Bussche-Haddenhausen, Hilmar Freiherr von dem], Traitements infligés aux prisonniers allemands dans les zones des opérations françaises vom 30. März 1918, Anlage, in: 'Kritische Online-Edition der Nuntiaturberichte Eugenio Pacellis (1917-1929)', Dokument Nr. 6326, URL: www.pacelli-edition.de/Dokument/6326. Letzter Zugriff am: 20.04.2024.
Online seit 20.12.2011, letzte Änderung am 02.07.2012.