Dokument-Nr. 722
Chollet, Jean-Arthur an Pacelli, Eugenio
Cambrai, 01. März 1918

Excellence.
Un intermédiaire bienveillant veut bien se mettre à ma disposition. Je m'empresse d'en profiter pour faire parvenir à la Nonciature de Munich une esquisse de la situation du diocèse de Cambrai que Votre Excellence pourra communiquer au Saint Père avec l'assurance de mon obéissance filiale.
1) – La note dominante de l'administration allemande à l'endroit de l'archevêque de Cambrai est l'intention absolue de l'isoler soit de son clergé et des fidèles, soit du clergé étranger.
Pour l'isoler de son clergé et de son diocèse, on l'a empêché systématiquement lui et son vicaire général de sortir de la ville archiépiscopale. Alors qu'on accordait aux autres des laisser-passer, on lui a refusé tous ceux qu'il demandait pour lui ou son vicaire général. Il lui a donc été impossible de visiter les paroisses et de se rendre compte de l'état des âmes et surtout du clergé. Depuis quatre ans le sacrement de confirmation n'a pas été administré et il y a quelques semaines, n'attendant même pas que je lui en fisse la demande comme les années précédentes,
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l'autorité militaire m'informait que l'administration de ce sacrement était encore remise à une date ultérieure. – Les quelques séminaristes qui sont formés à Valenciennes n'obtiennent pas l'autorisation de se rendre à Cambrai, et les ordinations n'ont pas lieu. – A part de très rares exceptions les prêtres, même du voisinage, ne peuvent venir à Cambrai. Quant à la correspondance administrative qui ne se fait qu'a pls [sic] ouvert, ou elle n'est pas remise, ou elle est remise très tard, parfois avec de fortes suppressions dues à la censure. En réalité, depuis bientôt quatre ans l'archevêque á été privé de rapports avec son diocèse et celui-ci n'est administré que grâce à la mesure de décentralisation prise dès les premiers jours et qui déléguait les pouvoirs les plus étendus aux archiprêtres dans leurs arrondissements, aux doyens dans leurs décanats.
J'ai dit que l'archevêque de Cambrai est tenu isolé du clergé étranger. Par clergé étranger, j'entends l'aumônerie militaire allemande supérieure, le haut clergé allemand, le clergé des pays neutres.
L'aumônerie militaire allemande par la nature même de ses fonctions est en contact perpétuel avec le clergé français: elle utilise nos églises, elle exerce le ministère religieux occasionnellement dans les paroisses sans pasteurs, elle confie à nos curés des fractions de troupes éloignées de leurs aumôniers. Pour réglementer toutes les questions mixtes qui naissent de ce contact, pour permettre à l'aumônerie allemande de recueillir les renseignements que les ordinaires locaux étaient à même de fournir sur la tenue des aumôniers résidents, ou pour faire bénéficier les ordinaires de la connaissance que l'aumônerie militaire allemande avait de
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la situation des paroisses et du clergé, il eût été désirable que des relations s'établissent entre les représentants supérieurs de cette aumônerie et ceux du clergé français. Je l'ai tenté en vain: un fossé infranchissable est demeuré séparant les uns et les autres. Je ne parle pas des aumôniers divisionnaires ou de commandantures avec lesquels nous avons eu d'ordinaire et nous avons en ce moment en particulier, les rapports les plus corrects. – L'aumônerie militaire allemande avait un grand rôle à remplir dans les pays occupés. C'était, s'élevant au-dessus des conflits internationaux et se tenant sur le terrain religieux ou l'union doit persévérer et d'où la réconciliation des peuples descendra, de veiller à l'intégrité de la liberté du culte et au respect des églises et des personnes appartenant au clergé. Elle avait autorité pour rappeler ces principes à l'armée. Elle eût pu empêcher bien des actes regrettables. Des aumôniers se sont dévoués individuellement à sauver du naufrage des objets du culte ou à obtenir plus d'égards pour des prêtres: le corps de l'aumônerie en général n'a pas été orienté dans cette direction qui en imposant le respect de la religion dans les pays occupés aurait grandement contribué au respect de la religion en Allemagne. Plusieurs fois j'ai rappelé ces idées à des aumôniers de passage: je n'ai pas eu la preuve qu'elles aient été comprises en haut lieu.
Quant au haut clergé allemand un fossé tout aussi infranchissable a été creusé entre lui et l'archevêché de Cambrai. Loin de moi la pensée d'attribuer ce fait au haut clergé allemand lui-même, mais je suis persuadé que l'autorité militaire n'a voulu aucune relation entre lui et moi. J'ai écrit à l'archevêché de Cologne,
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a l'évêché de Paderborn, les réponses ne me sont pas parvenues. Son Eminence le Cardinal de Munich est venu à Cambrai et avait l'intention de célébrer un office à la Métropole après m'avoir fait visite. Une intervention supérieure l'a fait renoncer à ce programme et son Eminence que j'ai fait saluer en mon nom malgré son incognito, a dû se contenter de déposer en partant sa carte à ma porte. Son Eminence le Cardinal de Cologne a passé devant ma porte sans me faire savoir sa présence et je n'ai pu le saluer. Si je suis bien renseigné, Sa Grandeur Monseigneur l'évêque de Spire a séjourné à Cambrai sans donner signe de vie à l'archevêque. Tous ces faits qui sont certainement contraires aux sentiments élevés de confraternité religieuse qui anime le haut clergé en Allemagne, ne sont-ils pas une preuve de la volonté arrêtées chez les chefs de l'armée allemande d'empêcher tous rapports entre évêques allemands et évêques français?
J'ai quelques raisons de croire que le haut commandement allemand a voulu nous isoler pareillement du haut clergé des pays neutres si j'en juge par le fait suivant. Quand l'Allemagne leva chez nous des enfants pour les confier à la Hollande j'écrivis à Sa Grandeur Monseigneur l'archevêque catholique d'Utrech pour lui demander de bien vouloir négocier auprès de Sa Majesté la Reine le placement de ces enfants dans des maisons catholiques. Jamais je n'eus de nouvelles de ma lettre ni de l'archevêque d'Utrech.
Mes relations avec Rome ne sont guère plus faciles. Sans doute quelques lettres parviennent à franchir la distance: elles y mettent parfois des mois et des trimestres. Il en est qui ne sont retournées bien que traitant avec beaucoup de moderation
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envers l'occupant de matières qui sont de la compétence du Souverain Pontife. – Depuis juillet, les "Acta Sanctae Sedis" ne me sont plus remis, bien qu'ils soient envoyés régulièrement de Rome. Le nouveau droit canon dont Son Eminence Le Cardinal Gasparri a daigne m'annoncer l'envoi fait par ses soins d'un exemplaire ne m'est point parvenu. L'autorité militaire n'a pas autorisé les libraires allemands à livrer les exemplaires demandés par les chanoines de Cambrai. – L'année dernière, j'avais sur sa demande adressé au Saint Siège des exemplaires du catéchisme du diocèse. La Commandanture de Cambrai me les a fait restituer préférant me les rendre intacts, plutôt que de les endommager en les faisant passer au bain chimique chargé de révéler les écritures mystérieuses!! Ce dernier détail expliquerait-il pourquoi les documents officiels du Saint Siège ne m'arrivent pas?
2) – Le luthéranisme (à moins que ce ne soit de l'athéisme) qui règne dans les hautes sphères allemandes, la manie qu'a le militarisme allemand de voir des espions partout, ont fait que nos prêtres sont, à cause de leur intelligence et de leur patriotisme, traités en suspects. Ils restent très fidèles à leur ministère et aux devoirs délicats de la situation, néanmoins ils sont soupçonnés... et maltraités. Il en est qui ont été jetés en prison sans jamais être interrogés, ni savoir pourquoi ils étaient incarcérés. D'autres ont été juges et punis sévèrement. D'autres ont été jugés et punis sévèrement. Les uns purgent en Allemagne leur condamnation: je n'ai aucun rapport possible avec eux et dernièrement on a refuse de leur faire parvenir les ordos que je leur avais fait expédier. D'autres sont dans les prisons du pays occupé. Il en est qui sont fort mal traités, vêtus comme les prisonniers
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de droit commun, contraints au travail de manœuvres, mêlés aux autres condamnés dans une vie commune où les blasphèmes et les injures ne leur sont pas épargnés, privés de la consolation d'avoir des livres de science sacerdotale.
Un certain nombre de nos meilleurs prêtres ont été, il y a deux mois, levés comme otages et emmenés dans une captivité d'où aucun écho ne nous est encore parvenu.
D'autres encore ont été évacués avec une partie de leurs paroissiens et vivent péniblement – sans que j'en puisse avoir de nouvelles – dans quelques paroisses lointaines des Ardennes ou de Belgique.
J'avais demandé à l'autorité allemande de laisser, en cas d'évacuations partielles, les curés jusqu'à la fin dans leurs paroisses pour le service religieux des restants. Ma demande avait été accueillie. On n'en a pas tenu compte dans l'exécution.
J'avais demandé d'être averti quand, pour une raison ou pour une autre, un prêtre serait enlevé à sa paroisse, afin de pourvoir au ministère religieux en son absence. On ne m'a pas répondu et on n'a pas nu compte de ma requête. J'ignore longtemps les vacances qui se produisent et il est arrivé que des prétends ont été chargés de paroisses par la seule autorité de quelque commandant d'étapes.
Quant aux jeunes gens – ils sont heureusement nombreux – qui se destinent dans les paroisses a l'état ecclésiastique, il ne m'a pas été permis de les réunir dans un séminaire, il ne m'a pas même été permis d'écrire au Souverain Pontife pour que Sa Sainteté intéresse à leur sort Sa Majesté l'Empereur d' Allemagne et ils doivent
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– quand ils ne sont pas contraints au travail de corvée dans les colonnes ouvrières – être instruits dans les presbytères.
3) – Nos églises sont utilisées pour les offices religieux catholiques de l'armée allemande et le clergé se prête volontiers à cette utilisation. Les offices protestants s'y font également. Quelques-unes servent d'ambulance. Tous ces usages leur conservent la protection des traités contre les bombardements. J'ai demandé à l'armée allemande de ne jamais détourner nos sanctuaires de cette double affectation cultuelle ou sanitaire, Je n'ai pas été écouté et nous apprenons souvent que telle église a été convertie en magasin que telle autre où on avait mis un dépôt de munitions a sauté, que telle autre est consacrée à des logements. En ce moment malgré mes réclamations et la Convention de La Haye (art. 27, 46 et 56) une antenne radiotélégraphique est placée sur la tour de la Métropole de Cambrai légitimant un bombardement par l'artillerie ou l'aviation anglaise.
Un ordre du Maitre du Quartier général qui m'a été communiqué le deux août 1917 a décrété en violation formelle de l'article 56 de la Convention de La Haye que "les objets d'église dans le territoire occupé du Nord de la France seront confisqués et enlevés" et comme première exécution il prescrivait l'enlèvement immédiat des cloches et des tuyaux de montre des orgues dans toutes les églises. On devait, en plus, enlever les objets de métal dans les églises détruites ou exposées à la destruction. Immédiatement j'écrit – sans succès du reste – à Sa Majesté l'Empereur. J'ai envoyé à Sa Sainteté une lettre sur le sort de la quelle je ne suis pas sans quelque doute. Maintenant toutes nos cloches sont emportées:
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elles servent à fabriquer des armes contre notre pays et contre les enfants des familles qui les ont données à l'Église. La confiscation des autres objets du culte est commencée dans certaines régions.
L'autorité allemande avait prescrit en vue d'une mesure facile à deviner la statistique des "métaux à confisquer" existants dans nos cimetières. Dans le même temps elle me demandait de bien vouloir assister et prendre la parole à l'inauguration d'un cimetière militaire aux portes de Cambrai. Je répondis que j'irais à cette cérémonie affirmer la fraternité de tous les soldats devant la religion et dans la mort et promettre au nom des catholiques de France le respect des tombes de tous; mais que ne voulant pas promettre une chose que je ne pouvais garantir et que ne pouvant garantir le respect des tombes allemandes si les allemands violaient nos promptes tombes en les dépouillant de leurs métaux, je demandais avant de m'engager l'assurance officielle que nos sépultures ne seraient pas touchées. Cette assurance officielle ne m'a pas été donnée. Le secours du Saint Siège nous serait précieux pour la protection de nos cimetières comme de nos églises contre ces dépouillement qui violent, avec le droit des gens, les sentiments les plus respectables et les plus vivants de nos cœurs.
4) – Nos communautés religieuses se sont montrées d'un gran courage dans l'épreuve et d'un grand dévouement pour le soin des blessés et dans le secours à toutes les misères. Beaucoup ont dû être évacuées des régions du front et son installées d'une façon fort précaire dans les territoires de l'arrière. D'autres ont été rapatriées. – Mais dans les localités éloignées du front, l'autorité
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militaire a trop souvent, sans égard pour leur caractère religieux et charitable, expulsé de chez elles, pour y établir des troupes, des bureaux ou des lazarets, de pauvres religieuses fort utiles. C'est en vain que plusieurs fois j'ai plaidé leur cause et représenté à l'administration allemande que les ordres religieux fondés pour recueillir et soigner orphelins, vieillards et malades accomplissent un service social plus nécessaire en temps de guerre qu'en temps de paix et donc indispensable dans les localités ou ils ont des établissements. Nos petites Sœurs des pauvres par exemple ont été impitoyablement emmenées de Cambrai à Valenciennes. Un deuxième exode vient de les jeter de Valenciennes dans je ne sais quel exil en Belgique. Une parole du Saint Père aurait une grande puissance pour préserver nos communautés religieuses de ces expulsions ou évacuations où ces saintes filles souffrent passion et martyre et qui presque toujours pourraient facilement être évitées. A Cambrai on prit la maison des Petites Sœurs pour la convertir en lazaret après que plusieurs lazarets très vastes et très bien installés avaient été convertis en casernes. Il eût suffit de garder à ces derniers lazarets leur destination.
5) – Au milieu de toutes les épreuves le sentiment religieux s'est avivé dans nos populations; de nombreux exercices, des neuvaines, des triduums, des missions ont été donnés et suivis des foules pieuses. La foi s'est ranimée chez beaucoup et on a pu remarquer la transformation de bien des esprits et de bien des âmes. Une élite s'est formée et s'accroît. D'autres ployant sous il fardeau ont blasphémé la Providence. Le nombre des âmes médiocres a diminué pour laisser place à celles qui montaient et à celles qui descendaient.
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Malheureusement depuis un an le nombre des paroisses évacuées et détruites – j'en compte près de 60 dans les environs de Cambrai – a jeté sur la route de l'émigration des populations malheureuses dont la vie paroissiale a cessé le plus souvent pour le plus grand détriment des croyances et des mœurs.
Un autre fait a agi de la façon la plus lamentable sur les idées et la moralité de ce pays. Dans tout le territoire occupé les hommes et les jeunes gens valides quelque soient leur profession ou leur métier, sont levés et enrôlés pour le travail matériel. Les uns sont occupés sur place, d'autres sont transférés dans des localités éloignées: ils travaillent aux routes, à l'abattage des forêts, à la construction (prohibée par les traités) de tranchées et d'abris souterrains, etc. etc... Ils vivent souvent en commun, dans un mélange de toutes les classes et de toutes les conditions; d'autres fois ils sont logés dans des familles. Le ministère moral et religieux auprès de ces colonnes très nombreuses confié à des aumôniers très rares appartenant à la nation ennemie est pratiquement impuissant. Aucune force saine ne réagit contre tous les agents dangereux qui, à la faveur de toutes ces promiscuités, troublent les idées et les mœurs. L'état moral et religieux dans les colonnes ouvrières est déplorable. Il est encore aggravé par la promiscuité des sexes dans certaines commandatures où les femmes sont mêlées aux hommes pour des travaux agricoles et autres. Si l'on ajoute que l'état de santé est très précaire dans ces colonnes mal nourries, mal logées et parfois surmenées ou maltraitées, on comprendra qu'il y a là une des plus redoutables
responsabilités pour le militarisme allemand. On répond que ces
colonnes sont un remède contre le chômage. C'est vrai. Mais on oublie
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de dire que ce chômage on l'a crée en grande partie systématiquement par la destruction à coups de marteau des métiers et autres machines de nos usines qui auraient pu continuer à marcher pour la plupart et auraient fourni à leurs ouvriers et employés un travail normal.
6) – Dans un rapport destiné au Saint-Siège, il ne m'est pas possible de passer sus silence les deux faits suivants:
a. – Les journaux allemands publiaient en juillet et août der nier (voir "Gazette de Cologne" des 22 juillet et 23 août) une dépêche d'allure officieuse datée de Berlin dans laquelle il était dit que, dans les territoires occupés, administration allemande ne contraignait pas les civils au travail, que ceux qui étaient employés par elle ne levaient ni sous lie canon ni à des besognes militaires et qu'enfin le S ouverain Pontife avait été informé des principes dont l'Allemagne s'inspirait sur ce point. Or, la vérité que nous avons pu constater nous-mêmes, est que la population civile valide non seulement masculine mais souvent aussi féminine, est obligatoirement attachée au travail de corvée, que de ces corvées beaucoup sont depuis plusieurs aimées consacrées à des ouvrages de défense comme remparts, tranchées, abris souterrains, pose de fils de fer barbelés entre les tranchées; qu'enfin très fréquemment les colonnes sont menées au travail à quelques kilomètres à peine du front anglais, ou français et exposées absolument au canon.
b. – Sa Sainteté a fait demander au ministère de la guerre allemand des renseignements sur les camps de prisonniers militaires en territoire occupé. Le ministre de la guerre a fait répondre officiellement par Sa Grandeur Monseigneur l'évêque de Paderborn –
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dont la "bonne foi dans cette affaire a été surprise, mais ne peut être douteuse – qu'il n'y avait dans les territoires occupés aucun camp de prisonniers militaires. Or il existait et il existe encore dans notre région des camps de prisonniers militaires français et alliés. Il y a, rien qu'à Cambrai, un grand nombre de prisonniers qui reposent au cimetière militaire. Une statistique établie le 14 janvier 1918 donnait 250 français, 143 anglais, 178 russes, 6 belges et 61 roumains. Un de ces derniers dimanches 6 à 700 italiens prisonniers de guerre à la citadelle de Cambrai furent amenés, pour y entendre la messe, dans une de nos églises. Les pauvres malheureux meurent de faim. Les amendes pleuvent sur les françaises qui essayent de leur faire passer des vivres et hier soir une des femmes les plus distinguées du monde industriel cambraisien entrait en prison – et quelle prison! – pour avoir donné un peu de monnaie à un prisonnier de guerre italien.
La constatation de cette opposition entre la réalité et les in
formations transmises à Rome a produit dans les esprits les effets les plus désastreux, en particulier dans la question qu'il me reste à exposer brièvement.
7. – Quand le Souverain-Pontife, au mois d'août 1917, adressa aux gouvernements des peuples en guerre une note qui les invitait à mettre fin au conflit et à entamer des pourparlers de paix, la note ou plutôt une traduction quelconque la note fut publiée par les journaux dans le nord de la France. Le jour même où la note parut, je devais prendre la parole dans une grande solennité religieuse. Je suis soldat du Pape: mon devoir est de me ranger derrière mon chef
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je le fis immédiatement et donc, le soir même, à la fin de mon allocution j'invitai les fidèles à prier pour le succès de la démarche papale. Tous mes soins furent mis à présenter le plus clairement possible les principes du droit des gens et les fondements évangéliques sur lesquels repose la diplomatie pontificale. Les fidèles m'ont habitué à beaucoup d'affection et de confiance de leur part. Eh bien! ce jour-là je ne fus pas compris et le plus grand nombre ne voulut rien entendre. – Les raisons de cette attitude opposée aux tentatives de Sa Sainteté Benoît XV sont les suivantes: a) – La haine créée dans les pays occupés par la tyrannie de l'administration la plus vexatoire et qui fait que le peuple instinctivement veut la vengeance. Du reste, beaucoup ont tout perdu: commerce industrie, exploitations agricole, tout a été détruit froidement et intentionnellement; et ces malheureux n'ayant plus rien à perdre sont prêts à toutes les attentes pourvu qu'elles leur apporte cette vengeance. – b) – Le manque de confiance envers le militarisme allemand qui ici foule aux pieds tous les traités et dont la signature au bas d'un traité de paix ne dit rien qui vaille. – c) – La persuasion fondée sur les faits rapportés au no 6 que le Souverain-Pontife a été trompé et que sa démarche est inspirée par ces informations erronées – d) – L'erreur d'interprétation sur un point de la note. Le Souverain-Pontife parle de condamnation des dépenses de guerre. Evidemment le Pape a entendu viser seulement les dépenses d'armement et les destructions du champ de bataille et en proposer la condamnation réciproque. Les habitants de ce pays dont les réquisitions administratives allemandes ont ruiné tout l'avoir et dévasté les usines et toutes les propriétés
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ont cru que le Pape dispensait l'Allemagne de payer ces réquisitions et destructions faites volontairement et en dehors du champ de bataille, et ils se sont émus à cette pensée. Depuis, la réflexion leur a montré dans quelle confusion ils étaient tombés.
Telles sont les quelques constatations principales relatives à la situation religieuse qu'il m'a paru utile de présenter au Saint Siège et de soumettre à son bienveillant examen, dans l'espoir d'en obtenir protection et bénédiction.
Afin d'éclairer d'un plus grand jour les conditions désastreuses dans lesquelles nous nous débattons, du reste avec courage, avec confiance envers Dieu, la Madone de Cambrai et la Patrie, je joins à ce rapport quatre documents dont la lecture, je l'espère, renseignera largement Sa Sainteté.
Il ne me reste, Excellence, qu'à solliciter le secours de vos prières et à vous prier d'agréer l'hommage de mon religieux respect en Notre Seigneur.
Jean Dr. Chollet
archevêque de Cambrai.
Empfohlene Zitierweise
Chollet, Jean-Arthur an Pacelli, Eugenio vom 01. März 1918, Anlage, in: 'Kritische Online-Edition der Nuntiaturberichte Eugenio Pacellis (1917-1929)', Dokument Nr. 722, URL: www.pacelli-edition.de/Dokument/722. Letzter Zugriff am: 28.04.2024.
Online seit 17.06.2011.