Dokument-Nr. 9877
Bornewasser, Franz Rudolf an Pacelli, Eugenio
Trier, 10. August 1923

Excellence,
J'ai l'honneur de remettre entre les mains de Votre Excellence, comme annexe à cette lettre, le compte-rendu du Congrès des catholiques de Sarrebruck, signé par les membres du comité local qui en avaient la responsabilité. Comme second annexe je me permets d'ajouter encore une fois les suppléments de la fête, que les journaux du pays ont publiés à l'occasion de cette réunion. Ils renseignent sur le caractère de l'assemblée des catholiques, et le second numéro public aussi déjà quelques uns des discours qui ont été faits. Le compte-rendu officiel contenant tous les discours, discussions, résolutions ne pourra être publié que dans un délai d'environ six semaines. Ce sera un volume de 200 à 300 pages. Je ne puis pas bien me rendre compte, si je devais aussi faire traduire les rapports des journaux. C'eût été à peine possible dans un si bref délai d'obtenir ces traductions, vu que les vacances ont commencé ici et que, par suite, il eût été extrêmement difficile de trouver des personnes capables de rendre en langue française des discours avec leurs nuances si délicates. J'ose espérer qu'à Rome on trouvera peut-être facilement au Campo Santo ou à l'Anima quelques messieurs qui auront l'amabilité de traduire de ces journaux les passages désirés. Dès publication du rapport officiel, je m'empresserai de le soumettre à Votre Excellence.
Qu'il me soit permis maintenant d'exprimer quelques pensées au sujet du rapport et j'ose prier bien instamment Votre Excellence de vouloir bien avoir l'obligeance de les transmettre à Rome.
L'assemblée des catholiques à Sarrebruck a été dans son idée, son exécution et ses effets une manifestation
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exclusivement religieuse.
Si des journaux français prétendent que cette assemblée des catholiques était une manifestation politique – je ne veux pas trancher la question s'ils le font bona ou mala fide, quoique pour moi personnellement, après toutes les expériences que j'ai faites, il me soit impossible de croire à une bona fides – j'essaye de m'expliquer la chose psychologiquement de la manière suivante:
1) Les Français virent à Sarrebruck défiler devant leurs évêques 75.000 hommes dans une parfaite discipline avec musique, fanfares et drapeaux. C'était une grandiose profession de foi des foules catholiques du pays. Le Français ne peut pas croire qu'une belle manifestation puisse avoir un caractère uniquement religieux, sans aucun mélange d'idées nationales – que l'on compare l'empreinte nationaliste du Congrès eucharistique de Paris en 1923 – l'Allemand y est habitué. Ces cortèges religieux et bien disciplinés sont en usage à tous le congrès des catholiques en Allemagne, avec des masses encore bien plus grandes d'hommes et de jeunes gens. Avec le soin le plus minutieux on a évité d'admettre dans le programme aucune pièce de musique patriotique, aucun chant national. Il est évident et le caractère de ces cortèges même explique que les hommes qui y prennent part, ne peuvent pas régler leurs pas comme dans une marche de procession, mais sont bien forcé par la musique de prendre le pas de la marche. Si les anciens soldats portaient à cette occasion leurs distinctions (croix de guerre), c'est que l'usage et les mœurs le demandent ainsi pour toutes les manifestations officielles, comme par exemple, à l'occasion des noces, à l'occasion de la réception d'un Évêque etc.
2) Dans quelques discours on a fait des protestations bien vives et bien chaleureuses de fidélité aux évêques de Trêves et de Spire. Est-ce donc un crime? Est-ce donc défendu de déclarer publiquement la fidélité à ce qui est devoir de conscience? Le pays de la Sarre n'est pas une province française, il n'est pas même territoire occupé. C'est un pays confié au Conseil des Nations, dans lequel l'administration allemande n'est que suspen-
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due jusqu'en 1935.
Or les Français travaillent actuellement ouvertement et en secret pour séparer mes diocésains du diocèse de Trêves avant l'année 1935, l'année de l'option entre l'Allemagne et la France. C'est un fait connu des habitants de la Sarre. Peut-on reprocher à la population sarroise, si profondément religieuse, de manifester à leur tour ouvertement et publiquement leur fidélité à leur pasteur?
N'est-ce pas leur devoir en conscience? Comment leur en faire un crime? Je comprends que cette fidélité ne rentre pas dans les plans des Français. Mais la cause en est que le Français ne veut pas comprendre que cette fidélité des Sarrois est une chose sainte, un devoir de religion. Il <(le Sarrois)>1 a la conviction que la séparation du pays de la Sarre du diocèse de Trêves avant de l'année de l'option précitée, sera une catastrophe et la ruine de la vie catholique dans le bassin de la Sarre.
3) Le congrès a pris la défense de l'école catholique <(>confessionnelle,<)>2 dont le gouvernement sarrois a pris la direction et accepté la responsabilité. Le gouvernement sarrois a dû, de par le Contrat de Versailles, accepter de diriger et d'administrer les écoles dans l'esprit qu'elles avaient du temps où le territoire de la Sarre lui a été confié par le Conseil des Nations. La population catholique n'a-t-elle pas le droit et le devoir de prendre la défense de l'école catholique <(>confessionnelle,<)>3 la seule qui lui donne l'assurance que ses enfants reçoivent cette éducation religieuse catholique, qu'il est en conscience obligé de demander et pour laquelle le gouvernement sarrois a pris des engagements concernant l'école élémentaire (primaire) officielle? Et la population sarroise n'a-t-elle pas des raisons suffisantes et urgentes de se défendre contre l'introduction de l'école officielle de l'État français qui par principe est école profane? Et ce devoir ne subsiste-t-il pas d'autant plus que l'on cherche à masquer cette école profane par des mesures d'une prudence raffinée en la drapant d'un manteau religieux confessionnel qui ne peut cacher les défauts de l'école officielle?
Si les journaux français se donnent toutes les
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peines du monde pour démontrer que le Congrès des catholiques sarrois est une action politique, la raison ne se trouve ni dans l'idée ni dans la trame du congrès, mais dans des sentiments bien conscients de ces feuilles françaises d'une malveillance manifeste, qui n'a ni base ni fondement dans la manière d'agir de la population sarroise.
Excellence, nous sommes un pauvre peuple ruiné. On nous a pris tout pour ainsi dire. Comme évêque de Trêves je suis condamné à supporter avec mes diocésains de terribles souffrances dans mon âme. Impuissant et sans aucun moyen de défense je suis contraint de voir que des centaines de pieuses femmes innocentes sont expulsées de leurs demeures avec leurs enfants, assez souvent avec leur bébés de quelques jours, chassées à l'étranger dans un pays inconnu, pour la seule raison que leurs maris sont restés fidèles au serment prêté aux autorités légales. Une seule chose nous reste, la fois vive et l'attachement à la Sainte Église et l'affection pour le Saint Père. Ces biens, ces sentiments, nous ne permettrons jamais qu'on nous les ravisse. Mais une profonde tristesse s'empare de mon âme, forcé, comme je le suis, de me défendre et de défendre mon clergé contre des attaques, des accusations fausses, ignobles et malveillantes. Mon fidèle clergé et moi-même nous ne voulons rien d'autre, nous n'avons rien fait et nous ne faisons rien d'autre que de conserver dans le cœur de notre peuple en détresse la fidélité à la foi catholique et l'amour envers notre sainte Eglise et de les conduire ainsi vers Dieu, la source de toute consolation.
Daignez agréer, Excellence, avec l'expression de ma vénération la plus profonde, l'assurance de mon dévouement le plus complet.
Franz Rudolf
Evêque de Trêves
1Hds. eingefügt vom Verfasser.
2Hds. gestrichen und eingefügt vom Verfasser
3Hds. gestrichen und eingefügt vom Verfasser
Empfohlene Zitierweise
Bornewasser, Franz Rudolf an Pacelli, Eugenio vom 10. August 1923, Anlage, in: 'Kritische Online-Edition der Nuntiaturberichte Eugenio Pacellis (1917-1929)', Dokument Nr. 9877, URL: www.pacelli-edition.de/Dokument/9877. Letzter Zugriff am: 24.11.2024.
Online seit 24.10.2013, letzte Änderung am 29.09.2014.