Dokument-Nr. 5167
Abgeordnete und Senatoren des Stadtbezirkes Mons an Rupprecht Maria Luitpold Ferdinand von Bayern
Mons, 24. Mai 1917

Altesse,
Nous avons pris connaissance de la réponse que Votre Altesse a bien voulu faire le 3 de ce mois à notre du 30 avril.
Nous souhaitons que la vérification prescrite se fasse sans coup férir et que le Bureau compétent nous en apprenne les résultats.
De notre côté, afin de documenter Votre Altesse, nous nous sommes efforcés de savoir ce qu'étaient devenus nos compatriotes et comment on les traite: nos suppositions et nos craintes se sont confirmées.
Nous avons appris qu'ils ont été transportés dans les environs de Duoai, à Cantin, à Ferrain et à Arleux, localités situées à une distance de dix à douze kilomètres de la ligne de feu. Là, ils sont contraintes à collaborer à des ouvrages de guerre; ils doivent décharger et recharger des matériaux, des pierrailles, du bois, du fer, installer des voies, creuser des trous ou des tranchées, destinées à emmagasiner des munitions ou des engins de guerre.
Ils se plaignent d'être dirigés avec rudesse, car il faut produire beaucoup et promptement: à 5 heures débout; à 6 heures au travail jusque 6 et 7 heures du soir.
Parfois, après le service de jour on détache quelques équipes pour le service de nuit au Proviant-Amt où sont centralisées les provisions de la troupe, vivres, pailles et fourrages, etc. On les tient à cette besogne de 8 ou 9 heures du soir jusque très avant dans la nuit.
On les fait travailler pour tous les temps, ils passent des journées entières sous une pluie battante. Protestent-ils? Demandent-ils du répit? On les fait taire, on les insulte et on les frappe.
Et comment les aliment-on pour supporter ces fatigues et ces efforts? D'une manière détestable et insuffisante.
Tous les soirs se fait la distribution de pain: chaque homme reçoit un tiers de pain, ce qui représente environ 300 à 400 grammes. C'est le fondement de leur nourriture; le reste est fort accessoire. Du mauvais café le matin, de la soupe de rutabagas à midi, parfois on y met des haricots, presque jamais de matières grasses; trois ou quatre fois un peu de viande conservée. Le soir on sert à peu près le même repas.
Les malheureux sont entassés littéralement dans des baraquements d'une construction des plus rudimentaires et dont le cube d'air est insuffisant; les parois en sont mal assujetties, la plupart des fenêtres ferment mal, les toitures forts sommaires sont faites de carton; aussi y fait-il généralement trop chaud ou trop froid. Pour lit, un tas de copeaux ou de mauvaises paillasses garnies de copeaux; généralement ni bancs ni tables.
Tel est le régime!
Les plus robustes résistent, les autres deviennent malades, tous se débilitent et s'anémient!
35r
La plupart n'avaient jamais exercé de travaux manuels avant la réquisition: ce sont des écoliers, des étudiants, des commis et employés des négociants, des coiffeurs et des tailleurs! Nous ne voulons pas demander d'indemnité pour la bourgeoisie: mais imposer un travail de terrassier et de débardeur à des jeunes gens qui n'ont jamais manié que la plume, les ciseaux ou l'aiguille, c'est ajouter de propos délibéré, la douleur à l'effort, c'est compromettre leur santé!
Les forçats dans les maisons d'arrêt sont traités avec plus de ménagement.
Faut-il parler des souffrances morales? Elles sont plus cruelles encore: nous prions Votre Altesse de penser au dégoût et à la colère que ressentiraient des civils allemands si, emmenés derrière le front de l'ennemi, ils étaient contraints à participer à des transports de munitions destinées à écraser les régiments allemands!
Ajoutez que la position de nos concitoyens n'est pas sans danger, il y a quelque temps, l'état-major allemand protestait parce que des prisonniers se trouvaient à 30 kilomètres du front: nos concitoyens ne sont pas à plus de 12 ou 15 kilomètres.
Des pareils abus sont contraires au droit des gens.
Qu'on ne dise pas que ce droit est un vain mot, l'état-major allemand l'invoque chaque fois qu'une de ses règles est violée au dommage d'officiers ou de soldats allemands!
Le 9 mai, un communiqué de Berlin protestait contre le gouvernement français parce qu'il aurait mis, en guise de représailles, à bord des navires hôpitaux septante officiers allemands. En réponse, l'état-major allemand déclara qu'un nombre triple d'officiers français avaient été envoyés immédiatement sur divers points de la région industrielle dans les endroits que visent spécialement les attaques d'avions!
C'est justement le sort qu'on inflige à nos concitoyens! Sans motifs, sans prétexte, on n'en a pas donné quand on les a emprisonnés pour les diriger en France comme des troupeaux de bétail!
Le communiqué de Berlin, du 10 mai se plaint de la manière dont sont traités les aviateurs allemands faits prisonniers:
"Comme lit, de la paille; comme couverture des bandes de toile, nourriture mauvaise et peu abondante: les officiers reçoivent une boîte de viande de conserve, un demi pain et un sceau d'eau par jour; les hommes ne reçoivent de la viande froide qu'une fois tous les trois jours."
Plaise à Dieu que nos concitoyens en reçoivent autant!
Les égards, les ménagements, le respect de l'existence, le confort que réclame l'état-major allemand pour les officiers et les soldats allemands, nous, députés, sénateurs belges, nous les réclamons pour nos compatriotes, et en plus, nous revendiquons pour eux la liberté de travail! Ils ne sont pas belligérants, on ne peut en faire des prisonniers.
Nos nationaux valent bien les autres.
Nous demandons pour les Belges l'observation des lois consacrées par des accords séculaires! Nous demandons qu'on mette fin au travail sacrilège auquel ils sont contraints et qu'on renonce à leur imposer, sous menace de peine, un misérable salaire, comme s'ils avaient promis librement et volontairement leur concours contre l'armée belge, contre les armées françaises et anglaises!
36r
Nous réclamons le renvoi de nos concitoyens, enfin, en vertu de la promesse qu'a faite Sa Majesté l'Empereur, aux Représentants des pouvoirs publics de notre pays, aux membres du clergé et aux notables qui lui avaient adressé une requête pour obtenir la libération des Belges déportés en Allemagne!
Nous aimons à croire qu'on ne cherchera pas à nous opposer qu'il ne s'agit dans ce décret que de la déportation en terre allemande. Ce serait faire outrage à la pensée de l'Empereur que de supposer qu'elle contenait pareille réticence!
Assurément, les auteurs de la requête n'ont parlé que de la déportation en Allemagne; celle-là seule avait été mise en pratique alors, et aucun des signataires n'imaginait que dans les régions d'étapes l'autorité militaire s'aviserait d'entreprendre une nouvelle déportation.
Ce serait un leurre de libérer ces déportés d'Allemagne par mesure de clémence et d'humanité, pour enrôler aussitôt après, un nombre équivalent de Belges, et les faire travailler sur la ligne Ouest; la contradiction serait plus flagrante encore si les mêmes déportés de retour d'Allemagne, étaient incontinents envoyés sur territoire français.
C'est hélas ce qui est arrivé! Des malheureux rentrés d'Allemagne depuis quelques jours ont été réquisitionnés par l'autorité militaire et expédiés en France.
Nous ne voulons pas en faire remonter la responsabilité au Gouvernement Impérial, nous savons les malentendus, les erreurs, les ordres contradictoires mêmes qui se produisent fatalement dans une entreprise aussi formidable et aussi compliquée que cette terrible guerre! Mais nous avons le ferme espoir qu'il nous aura suffit de signaler la gravité de l'inconséquence présente pour qu'il y soit mis fin.
Nous prions votre Altesse d'agréer l'assurance de notre haute considération.
Les députés et sénateurs de l'arrondissement de Mons .
Empfohlene Zitierweise
Abgeordnete und Senatoren des Stadtbezirkes Mons an Rupprecht Maria Luitpold Ferdinand von Bayern vom 24. Mai 1917, Anlage, in: 'Kritische Online-Edition der Nuntiaturberichte Eugenio Pacellis (1917-1929)', Dokument Nr. 5167, URL: www.pacelli-edition.de/Dokument/5167. Letzter Zugriff am: 27.04.2024.
Online seit 20.12.2011.