Document no. 4032

Bruynseels, August: Une foi de plus ils sont traîtres à leur parole!, in: Echo Belge, Nr. 934, 15 May 1917
A vrai dire cela ne devait plus nous étonner. Depuis bientôt trois ans que dure la lutte de l'injustice contre la justice ils nous en ont donné tant d'exemples que l'on finirait par se demander si les sentiments de l'honneur et de la dignité ne trouvent plus de place dans leurs coeurs ou si leurs intelligences sont obnubilées par l'ambition aveugle et insatiable au point qu'elles ont perdu le sens du discernement du bien et du mal.
On se rappelle le communiqué de l'agence Wolff du 14 mars 1917. Cédant enfin aux instances du Saint-Siège et des gouvernements neutres et au soulèvement général de l'opinion publique dans le monde civilisé, constatant que les déportés ne fournissaient pas le travail que l'on attendait d'eux, l'empereur d'Allemagne, sous prétexte que plusieurs Belges appartenant à différents partis politiques avaient adressé une roquête à Sa Majesté, donna ordre de cesser provisoirement les déportatious et de repatrier les déportés non chômeurs.
Le 2 avril 1917 le comte von Hertling, président du Conseil des ministres et ministre des affaires étrangères de Bavière, annonça officiellement au Saint-Père que Sa Sainteté avait obtenu satisfaction et que les déportés allaient être rapatriés. Voici le texte de la communication adressée par M. von Hertling à Son Exc. Mgr. Aversa, nonce apostolique, à Munich:
"En réponse à votre très estimée note du 24 du mois passé, j'ai l'honneur d'informer votre Excellence que les instances du Saint-Siège pour la solution satisfaisante de la question des ouvriers belges ne sont pas restées sans succès. Salon des informations sûres, que j'ai reçues dernièrement de Berlin, les autorités compétentes sont disposées avant tout à s'abstenir de toutes déportations ultérieures forcées d'ouvriers de Belgique en Allemagne et à laisser rentrer dans leur patrie tous ceux qui, à la suite d'erreur possible, ont été déportés injustement. Je me réjouis particulièrement qu'on ait ainsi répondu au désir de Sa Sainteté le Pape exprimé plusieurs fois par Votre Excellence, et que je me suis empressé de recommander très chaleureusement aux autorités de l'empire."
D'après 2d' "Osservatore Romano" Son Em. le Cardinal secrétaire d'Etat Gasparri fit parvenir officiellement le texte de cette communication à Son Exc. le ministre d'Etat Van den Heuvel, ministre de Belgique près le Saint-Siège.
Voilà le promesses formelles.
Voici les faits.
Déjà le 14 mars 1917 les autorités militaires firent afficher à Mons l'ordannance suivante:
Ordannance
concernant la restriction des charges publiques de secours et l'aide à porter en cas de calamité publique.
10. Les personnes capables de travailler peuvent être contraintes de force au travail, même hors de leurs domiciles, dans le cas où, pour une cause de jeu, d'ivrognerie, d'oiosveté, de manque d'ouvrage ou de paresse, on serait forcé de recourir à l'assistance d'autrui pour leur entretien ou pour l'entretien des personnes qui sont à leur charge.
20. Tout habitant du pays est tenu à prêter secours en cas d'accidents et de péril général, de même pour remédier aux calamités publiques dans la mesure de ses forces, même hors de sa résidence; en cas de refus, il pourra y être contraint de force.
30. Quiconque, étant contraintselon paragraphe 1 ou 2, refuse l'ouvrage ou la continuation du travail qui lui est assigné, est passible d'une peine d'emprisonnement allant jusqu'à trois ans et d'une amende jusqu'à concurrence de M. 10.000 ou d'une de ces deux peines, à moins que les lois en vigueur ne prévoient l'application d'une peine plus sévère.
Si l'action a été commise en complicité ou de concert avec plusieurs personnes, chaque complice sera puni comme auteur d'une peine d'emprisonnement d'une semaine au moins.
40. Sont compétents les autorités militaires allemandes et les tribunaux militaires allemands.
Grand quartier général, le 3 octobre 1916.
Der Generalquartiermeister:
I. V.
(s.) v. Sauberzweig.
L'ordannance ci-dessus est de nouveau portée à la connaissance de la population avec le règlement ci-après:
10. Tout le territoire de la 1re armée est considéré comme se trouvant en état de calamité publique (1) selon l'esprit de l'article 2 de l'ordannance ci-dessus du Generalquartiermeister.
20. Quiconque aura tenté par la contrainte, par des menaces, par la persuasion ou par tout autre moyen de retenir des personnes disposées à un travail destiné aux autorités allemandes ou des entrepreneurs chargés par les autorités allemandes de l'exécution de ce travail sera puni d'un emprisonnement jusqu'à 3 ans et d'unoamande pouvant s'élever jusqu'à 10.000 marcs ou d'une de ces peines.
30. Sont compétents les tribunaux militaires et les autorités allemandes.
Armée-Hauptquartier, den 11 Maertz 1917.
Der Oberbefehlshaber:
(s.) v. Below,
General der Infanterie.
Un mois après, l'administration de la ville de Mons reçut la circulaire suïvante:
Comm. mob. d'étape 290
Le 15 avril 1917.
A l'Administration de la ville de Mons,
La ville de Mons doit fournir pour le lundi 16-4-1917, à 12 h. midi temps d'été, 600 ouvriers à la caserne de cavalerie.
Ceux-ci peuvent appartenir à toutes les professions. Choisir en première ligne étudiants à partir de la 17me année d'âge accompli, propriétaires de petits magasins et estaminots, garçons de café ou employés (écrivains).
Ceux-ci doivent se munir de vêtements chauds et de fortes chaussures. Il est recommandé d'emporter des approvisionnements.
Pour tout homme manquant, la ville sera taxée d'une amende pouvant aller jusqu'à 300 Mks. et en plus l'homme qui n'exécute pas le commandement sera puni d'une amende pouvant aller jusqu'à 200 Mks, ou d'un emprisonnement pouvant aller jusqu'à 6 mois.
(s.) von Zeschau.
Au même moment donc où ils promettaient officiellement la cessation des déportations, ils organisaient déjà les déportations à Mons. De quoi se plaignent-ils alors, quand les noutes refusent d'ajouter foi à leurs déclarations solennelles?
Jusqu'ici ils n'ont emmené quo des hommes appartenant d'ailleurs à toutes les classes de la société, mais surtout des messieurs de la bonne bourgeoisie et des étudiants. Tout fait prévoir qu'ils commenceront bientôt la déportation des femmes. Pour s'en convaincre on n'a qu'à consulter cette circulaire exigeant des familles le recensement tant des femmes et des filles que des hommes:
Rue ... Nom du chef de famille ...
A. - Hommes âgés de 18 à 40 ans.
Nom de famille. Prénom. Date de naiss. Profession. Lieu actuel de travail. - No. carte ident. - Remarques ou observations.
B. - Hommes âgés de 15 à 17 ans et de 41 à 60 ans.
Nom de famille. Prénom. Date de naiss. Profession. Lieu actuel de travail. - No. carte ident. - Remarques ou observations.
De 15 à 35 ans.
C. - Jeunes filles et femmes mariées, veuves ou divorcées.
Nom de famille. Prénom. Date de naiss. Profession. Lieu actuel de travail. - Eventuellt. profession du mari. - No. carte d'ident. - Remarques ou observations.
E. - Quelle est la firme de votre commerce?
Quel genre de commerce exploitez-vous?
F. - Si vous tenez un hôtel, une maison de logement, un café, un estaminet, ou une exploitation industrielle, ou fabrique, indiquer l'âge du propriétaire de l'exploitation et de sa femme.
Certifié véritable et contrôlé
Mons le avril 1917.
(Signature du chef de famille).
C'est avec effroi que l'on songe aux conséquences de ce crime allemand qui crie vengeance au ciel. Ces barbares n'ont pu dompter le peuple belge, fier de des droits et de sa liberté. Pour toucher au coeur cette nation vaillante - qui est devant le monde et restera dans l'historie un reproche perpétuel de leur lâcheté et de leurs iniquités - ils ont envoyé en exil et et [sic] esclavage les meilleures de ses fils. Beaucoup dépérissent et meurent de froid, de faim, de souffrances morales; d'autres traînent en Allemagne une existence pire que la mort, d'autres enfin - une vingtaine de mille environ - sont retournés au pays, brisés pour toute leur vie, incapables de travailler, squelettes vivants qui viennent augmenter la tristesse du foyer ou trouver dans nos hôpitaux la fin de leurs misères. On ne pouvait vraiment rien imaginer de plus monstrueux que cet épisode douloureux de notre histoire.
Les auteurs de ces crimes inconnus aux peuples sauvages assisent impassibles et froids aux souffrances de leurs victimes. Avec une cruauté froide et une perifidie sans exemple ils s'obstinent à accumuler inquités sur inquités. Combien sera terrible l'heure du châtiment.
Aug. Bruynseels.
(1)Ces mots ont évidentement pour but de répandre la panique dans la population: il parait qu'on y a réussi à souhait.
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Bruynseels, August, Une foi de plus ils sont traîtres à leur parole!in: Echo Belge, Nr.934 from 15 May 1917, attachment, in: 'Kritische Online-Edition der Nuntiaturberichte Eugenio Pacellis (1917-1929)', document no. 4032, URL: www.pacelli-edition.de/en/Document/4032. Last access: 28-04-2024.
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